Par Imen ABDERRAHMANI
Il est sans équivoque l’un des maîtres incontestés du théâtre tunisien contemporain. Depuis près de cinq décennies, Fadhel Jaïbi a sculpté son nom dans les mémoires. C’est à lui que le prestigieux prix Kassab a été attribué, une récompense qui vient couronner son engagement artistique sans faille.
Ce soir-là, au cœur de l'hiver, un prix d’une grande noblesse lui a été attribué : le prix Kassab, une récompense magnifiquement méritée qui vient couronner une œuvre dédiée, sans réserve, à la magie du théâtre.
Il y avait de la joie à la salle « CinémAfricARt ». En dépit du froid extérieur, une chaleur intense régnait, alimentée par l’amour de l’art et la célébration de la vie. Figure lumineuse dont l’éclat a traversé les frontières, illuminant la scène tunisienne, arabe et internationale, Fadhel Jaïbi a été à l’honneur. C’était un moment rare où l’on ressentait que le théâtre n’était pas seulement un spectacle, mais un souffle vivant qui traverse les âmes, une énergie qui va au-delà de la scène.
Son nom résonne fort ici et ailleurs, Fadhel Jaïbi a été accueilli avec une admiration sans borne, applaudi par ceux qui ont été là et qui connaissent très bien que Jaïbi est une école dans la mise en scène et l’un des rares artistes qui ont su, au fil des années, insuffler au théâtre tunisien une force qui fait écho à des générations entières.
Dans ses mots, on entendait non seulement la gratitude mais aussi l’humilité d’un homme dont l’œuvre est tissée de passion, de patience et de sacrifice. « Si je devais vous faire une confidence, a-t-il dit d’une voix tremblante d’émotion, j’aime profondément cet homme, cet artiste.
Et si j’avais un prix en mon nom, je l’aurais sans hésitation attribué à Salah Kassab. Un artiste avec qui je partage non seulement la passion du théâtre, mais aussi la quête incessante de l'excellence. Le théâtre, c’est un art qui exige de l’engagement, de la rigueur, de la liberté».
L’artiste, dans sa déclaration, a fait une incursion dans le passé, évoquant sa rencontre avec Salah Kassab en 1987, lors de la représentation de «Arab». « Il est venu vers moi avec toute la modestie du monde, m’exprimant son admiration et me faisant part de remarques qui, aujourd'hui encore, nourrissent ma réflexion», a-t-il raconté, visiblement ému par la beauté de ce lien qui ne fait que se renforcer au fil des ans.
La rencontre des titans…
Dans son intervention, le directeur des Journées théâtrales de Carthage, Mounir Argui, a fait savoir que « cette année, une exception a été faite ». Traditionnellement, deux artistes sont honorés chaque année.
Mais cette fois, c’est Fadhel Jaïbi qui a été seul mis à l’honneur, et cela semblait juste. « Un hommage bien mérité pour celui qui a su, par son talent et sa vision, marquer à jamais le paysage théâtral arabe. Et j’aime bien à cette occasion saluer également sa compagne de route et de rêve, Jalila Baccar», a-t-il précisé.
L’artiste irakien accompli Salah Kassab, dans un discours empreint de sagesse et de respect, a salué non seulement la carrière de Fadhel Jaïbi, mais aussi l’essence même du théâtre arabe, qu’il a contribué à nourrir de sa vision singulière. «Le théâtre est un univers à part entière. Et Fadhel Jaïbi, lui seul, est tout un continent. Il incarne, à lui seul, un phénomène théâtral de notre époque. Il est unique. Il ne se reproduit pas », a-t-il souligné, avec une admiration manifeste.
La cérémonie de remise de ce prestigieux prix a été guidée par Riyadh Moussa Sakran, professeur de littérature et critique, également Secrétaire général du prix Kassab, qui a retracé avec passion l’histoire de cette récompense, née en 2013 en Tunisie.
Ce prix est bien plus qu’une distinction ; il incarne le respect profond que l’on porte à une œuvre qui traverse le temps, et rend hommage à un homme qui, tel un phare, a éclairé le théâtre arabe de sa vision.
La cérémonie a été également marquée par la présence de l’ambassadeur de l’Irak en Tunisie, Abdelhakim Kassab, de l’artiste soudanais Ali Mahdi, directeur du théâtre national-Théâtre Al- Buqaa et également artiste de l’Unesco pour la paix. Tous les deux ont été également à l’honneur. L’homme de théâtre Hatem Derbal a rappelé dans son intervention les circonstances de la création de ce prix.
Quant au directeur artistique des Journées théâtrales de Carthage, Mounir Argui a rappelé le lien indéfectible qui unit Salah Kassab aux JTC, ce rendez-vous annuel devenu incontournable pour les amoureux du théâtre arabe. « Salah Kassab est un pionnier, un maître du « théâtre de l’image », une mémoire vivante du théâtre arabe. Il a accompagné, de ses conseils avisés et de sa sagesse, l’évolution des Journées théâtrales de Carthage », a-t-il noté.
I.A.

