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Un code du travail, presque « muet » devant la température extrême : Quand les droits des salariés fondent comme neige au soleil…

Par Hassan GHEDIRI

Quand le mercure s’affole, on a toujours tendance à se réfugier à l’ombre. Ceci n’est toutefois pas toujours garanti pour tous.

Sur les chantiers de construction, dans les champs ou encore sur les quais des ports et dans plusieurs autres métiers, des milliers de travailleurs sont obligés de travailler sous un soleil de plomb. Les conditions du travail par forte chaleur ne sont plus toutefois ce qu’elles étaient il y a vingt ou trente ans lorsqu’ont été établis les règlements régissant la santé professionnelle. Le monde est en surchauffe, la Tunisie l’est encore davantage selon plusieurs études qui démontrent une hausse des températures anormale dans toute la Méditerranée. Ceci dit, le réchauffement climatique n’épargne plus le monde du travail, c’est une réalité à laquelle les législateurs ne peuvent plus tourner le dos. Car, aujourd’hui, aucune indication de température n’est donnée dans le Code du travail au-delà de laquelle le salarié peut cesser son activité en Tunisie. 
C’est dans ce contexte que l’Institut tunisien de santé et de sécurité au travail (ISST) a tenu récemment un webinaire consacré à une problématique devenue centrale : le travail en conditions de forte chaleur. Objectif affiché : jeter les bases d’un plan national d’adaptation aux changements climatiques qui réponde aux nouvelles exigences en matière de santé et de sécurité au travail. Cette conférence virtuelle, à laquelle ont pris part plusieurs experts, a permis d’exposer une série de constats désormais incontournables. Car si les températures extrêmes sont en passe de devenir la norme dans le monde, comme ne cessent de l’annoncer les climatologues, cela doit obligatoirement impacter la productivité et transformer les habitudes des travailleurs. 

«Alerte rouge»
En Tunisie, comme dans les pays particulièrement exposés à ces bouleversements climatiques, c’est donc toute l’organisation du travail qui doit être repensée. Les intervenants ont ainsi insisté sur la nécessité d’un changement structurel, s’attaquant autant aux aspects techniques (budget, équipements, procédures) qu’aux dimensions culturelles et comportementales des milieux professionnels. Il ne s’agit plus seulement d’adopter quelques gestes-barrières face à la chaleur, mais bien d’engager une révision en profondeur des normes et réglementations encadrant la santé au travail. Et ce, en particulier pour les professions les plus exposées, notamment dans les secteurs du bâtiment et travaux publics, l’industrie et l’agriculture.
Nombreux sont les pays qui ont compris cette nouvelle urgence. L’Espagne, par exemple, a modifié en 2023 son Code du travail afin d’interdire certaines activités extérieures en cas d’alerte rouge à la chaleur. Des mesures de protection renforcées y ont été imposées aux employeurs, avec obligation d’adapter les horaires, de prévoir des pauses à l’ombre et de garantir l’accès à une hydratation suffisante. L’Australie, elle, a intégré le stress thermique comme risque professionnel reconnu dans sa réglementation, obligeant les entreprises à effectuer des évaluations régulières du risque chaleur et à mettre en place des plans de réponse spécifiques dès que certaines températures seuils sont atteintes.
Les experts sont en effet unanimes sur le rôle de la prévention qui ne se décrète pas, mais se planifie et se construit dans la durée, à travers les formations, la communication et l’implication des travailleurs eux-mêmes.
Aujourd’hui, le constat est bel et bien alarmant, et la Tunisie risque de payer le prix fort de son retard en matière de préparation au changement climatique, d’où la nécessité d’engager les réformes réglementaires nécessaires, en commençant par l’élaboration d’un cadre législatif cohérent et contraignant, adapté à la nouvelle réalité climatique. Un cadre qui permette à tous les travailleurs, quel que soit leur métier, d’exercer dans des conditions dignes, sûres et résilientes.

H.G.

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