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Il arrache les yeux de sa femme pour extraire un trésor : A quand une loi incriminant le charlatanisme?

Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI

Le charlatanisme a fait encore parler de lui en Tunisie avec ce drame dont la victime est une jeune mariée qui a perdu la vue après avoir été agressée par son propre mari sur ordre d’un imposteur…

Ce drame a eu lieu récemment dans la région de Kairouan lorsqu’un charlatan a réussi à convaincre un jeune époux que pour extraire un trésor caché sous sa maison, il lui faut offrir aux djinns les yeux de sa femme. C’est alors qu’il est allé chercher dans la cuisine une fourchette avant de venir lui crever froidement les yeux. Pour certains observateurs, le fait que l’on tarde à promulguer une loi contre ces pratiques encourage ces charlatans à aller plus loin dans leurs trafics criminels.
Plus alarmant encore, un activiste très connu a publié hier sur sa page Facebook un chiffre qui en dit long sur la prolifération du fléau du charlatanisme en Tunisie. Ils seraient, en effet, 145 mille imposteurs à exercer en Tunisie contre 29 mille médecins seulement. C’est dire à quel point les Tunisiens sont accrocs de ces pratiques dangereuses et qui peuvent parfois conduire à la mort parce que quelqu’un a voulu se venger d’un rival ou pour une histoire de divorce voire pour extraire un trésor caché.
Profitant, alors, de ce drame, la députée Fatma Mseddi a rappelé sur sa page Facebook que la promulgation d’une loi incriminant le charlatanisme est devenue une urgence. Justement, un projet de loi a été soumis depuis 2024 à la commission de la législation générale de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Ce texte porte sur « l’interdiction de la consultation à titre payant pour tout recours à des pratiques considérées comme occultes, notamment la voyance, les talismans, l’invocation de djinns ou les bains rituels». Des sanctions pouvant aller jusqu’à deux ans de prison pour les prestataires de services occultes sont prévues par ce projet de loi. Ce texte prévoit également une peine aggravée si les faits ont lieu dans des lieux publics, ou s’ils touchent des mineurs ou des personnes vulnérables ainsi que la confiscation du matériel utilisé et la fermeture administrative du local dans lequel l’activité est exercée. Pourquoi tarde-t-on, alors, à examiner ce projet de loi ?

Impunité…
Interrogé à ce sujet, l’activiste et universitaire Salem Chérif nous a indiqué : «Le flou juridique a encouragé certaines personnes malveillantes à exercer ce métier, puisque cela ne nécessite qu’une patente avec un matricule fiscal et une lettre pour information adressée au ministère de l’Intérieur. En cas de problème, seul l’article 291 du Code pénal est appliqué contre ces charlatans. Ledit article stipule, en effet, qu’il est puni de cinq ans d’emprisonnement et de deux mille quatre cents dinars d’amende, quiconque, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en employant des ruses ou artifices propres à persuader de l’existence de fausses entreprises, d’un pouvoir ou crédit imaginaire ou à faire naître l’espoir du succès d’une entreprise ou la crainte de son échec, de la survenance d’un accident ou de tout autre événement chimérique, se fait remettre ou délivrer ou tente de se faire remettre ou délivrer des fonds, meubles, obligations, biens, valeurs mobilières, promesses, quittances ou décharges et a, par l’un de ces moyens, extorqué ou tenté d’extorquer tout ou partie des biens d’autrui. Or, les pratiques de ces imposteurs ont changé, ce qui nécessite de nouvelles lois de nature à réprimer leurs actes qui relèvent beaucoup plus de la criminalité que du spirituel. Et c’est au législateur de le faire et ce au vu et au su de ce qui se commet comme pratiques et actes qui peuvent entrainer la mort. »

M.B.S.M.

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