Par Hassan GHEDIRI
Plans de vol désorganisés, retards à répétition, vols annulés à la dernière minute : l’anarchie semble avoir définitivement pris le contrôle de Tunisair…
L’été 2025 était jusqu’ici promis comme une saison de bonne moisson pour tourisme tunisien. La Tunisie, figurant pourtant parmi les trois destinations les plus réservées en Méditerranée, et tandis que des centaines de milliers de Tunisiens résidant à l’étranger s’apprêtent à mettre le cap sur le pays, cette dynamique estivale exceptionnelle est en passe de virer vers une crise profonde. Et pour cause : Tunisair, prise ces derniers temps dans une tempête de critiques et de colère de milliers de passagers.
Malgré une flotte, théorique, d’une trentaine d’appareils, moins de douze avions sont réellement en état de vol en ce début de haute saison. Plusieurs unités sont clouées au sol faute de pièces de rechange, contraignant la compagnie à surexploiter ce qui reste disponible. Une pression qui suscite d’importantes inquiétudes quant à la sécurité des vols, alors que la compagnie enchaîne les retards et collectionne les annulations improvisées. Ces dernières semaines, des centaines de passagers ont raté leur correspondance en Europe ou au Proche‑Orient, contraints d’attendre parfois plus de 12 heures, sans prise en charge, ni repas, ni hébergement. Tandis qu’à Tunis-Carthage, le calvaire des milliers de passagers est quotidien avec certains agents irrespectueux qui font parfois fi de l’horaire réglementaire du début et de la fin de l’enregistrement amplifiant la frustration de voyageurs et causant des retards supplémentaires dans leurs vols devenus incertains.
Se remettre sur la piste
La situation de la compagnie tunisienne contraste vivement avec le dynamisme d’autres tranporteurs de la région, tels que, par exemple, Royal Air Maroc (RAM). La compagnie marocaine a, en effet, déjà réceptionné cinq nouveaux Boeing depuis début 2025, prévoit d’en acquérir dix autres d’ici fin 2026, formant une commande d’une cinquantaine de Boeing 737 MAX et une vingtaine d’Airbus A220 programmés dans le cadre d’un plan visant à quintupler ou quadrupler la flotte à long terme. Une injection de moyens techniques et financiers qui fait de RAM un redoutable concurrent touristique, notamment face à la Tunisie.
La situation dramatique dans laquelle se trouve Tunisair, Moez Joudi, expert en gouvernance et stratégie d’entreprise, pense qu’elle demeure, malgré tout, réparable. Pour ce faire, il propose un plan de sauvetage s’articulant sur divers volets. Il recommande tout d’abord de privatiser partiellement la Régie nationale du tabac et des allumettes, pouvant générer, selon lui, des recettes équivalentes à 3 milliards de dollars américains, soit environ 10 milliards de dinars tunisiens. Cet argent permet de renforcer les réserves en devises, mais duquel l’on peut se permettre le luxe d’injecter entre 1,5 et 2 milliards de dinars dans Tunisair pour recapitaliser, éponger les dettes, moderniser la flotte, stabiliser la trésorerie et financer un plan social équitable.
Enfin, une fois la compagnie assainie, intégrer un partenaire stratégique, ce qui représente la meilleure alternative à la privatisation, jugée inadaptée économiquement et socialement au cas de Tunisair dans l’état actuel des choses. Sinon, pourquoi pas déclarer une faillite pour ensuite renaître... sous une nouvelle appellation, avec une nouvelle structure et de nouvelles ambitions…
H.G.