Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
Finalement, le fameux article 96 va faire l’objet d’un amendement et une version consensuelle sera prochainement soumise au vote à l’ARP. Que prévoit le nouveau texte et que disent les spécialistes?
La Commission de la législation générale de l’Assemblée des représentants du peuple a finalement réussi à rapprocher les différents points de vue concernant l’amendement de l’article 96 avec l’élaboration d’une version consensuelle, laquelle sera soumise au vote lors de sa prochaine réunion, selon un communiqué publié par le secrétariat de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP.
L’on apprend également que plusieurs juristes, spécialistes en droit pénal, ont été consultés dont notamment les professeurs Mongi Lakhdhar, Hatem Bellahmar et Najet Brahmi, qui, auditionnés par la commission, ont salué cette initiative. L’une des principales nouveautés de ce nouveau texte est la réduction de la peine d’emprisonnement à six ans, contre dix actuellement, et d’y introduire explicitement l’élément intentionnel pour caractériser les infractions liées à l’abus de fonction au profit d’un tiers de manière illégitime.
A rappeler que ce fameux article 96 stipule dans sa version actuelle qu’il «est puni de dix ans d’emprisonnement et d’une amende égale à l’avantage reçu ou le préjudice subi par l’administration tout fonctionnaire public ou assimilé, tout directeur, membre ou employé d’une collectivité publique locale, d’une association d’intérêt national, d’un établissement public à caractère industriel et commercial, d’une société dans laquelle l’État détient directement ou indirectement une part quelconque du capital, ou d’une société appartenant à une collectivité publique locale, chargé de par sa fonction de la vente, l’achat, la fabrication, l’administration ou la garde de biens quelconques, qui use de sa qualité et de ce fait se procure pour lui-même ou procure à un tiers un avantage injustifié, cause un préjudice à l’administration ou contrevient aux règlements régissant ces opérations en vue de la réalisation de l’avantage ou de préjudice précités».
Epée de Damoclès…
Tous les observateurs sont unanimes quant aux effets néfastes de cet article sur le bon fonctionnement de l’administration et après la révolution de 2011, plusieurs fonctionnaires ont été jugés sur la base de ce texte qui a longuement freiné l’initiative administrative et l’investissement. C’est du moins l’avis de l’avocat, Me Houssem Eddine Ben Atiya, qui nous a indiqué : « Le nouveau texte comporte plusieurs propositions assez intéressantes au niveau pénal comme la clarification des éléments constitutifs de l’infraction et la suppression du volet relatif au préjudice causé à l’administration, jugé trop flou, au profit de la seule notion de recherche d’un avantage indu. Parmi les autres nouveautés, on cite également le recours aux peines alternatives telles les amendes et le sursis pour limiter l’impact pénal ainsi que la protection des agents contre les plaintes abusives, en exigeant des expertises préalables à toute détention provisoire ».
Officiellement et au niveau de l’exécutif, le président de la République, Kais Saied, a laissé entendre à maintes reprises qu’il est favorable à une réforme visant l’amendement de cet article 96. Néanmoins, le Chef de l’Etat rappelle que « la redevabilité est une revendication populaire et que les lois doivent être appliquées dans un esprit de redevabilité et non de règlement de comptes», et d’ajouter : « Cet article et le reste des réformes législatives visent à instaurer une «conciliation entre les objectifs ultimes de la politique pénale de l’Etat et l’impératif de continuité et de l’efficience de l’action administrative », rappelant au passage que « cette disposition législative vise, entre autres, à barrer la route aux personnes qui n’ont de cesse de se servir de l’article 96 comme subterfuge et alibi pour se délier du devoir qui leur incombe d’accomplir les tâches qui leur sont assignées », précise-t-on de même source.
M.B.S.M.