contactez-nous au 71 331 000
Abonnement

Editorial : Croire en la technologie… - Par Hassan GHEDIRI

L’été s’est à peine installé et déjà plusieurs noyades mortelles ont été recensées dans plusieurs régions du pays. Pas moins de quatre décès ont été déclarés par la Protection civile durant le dernier week-end de juin. Les corps sans vie de trois jeunes ont pu être repêchés entre samedi et dimanche dans une mer très agitée sur la côte de Soliman dans le gouvernorat de Nabeul, alors qu’une jeune fille de 19 ans s’est noyée, dimanche, dans un endroit rocheux de la corniche de Mahdia au centre du pays. Mais c’est la disparition mystérieuse d’une fillette de 3 ans dans une plage très fréquentée de Kélibia qui continue à tenir en haleine tous les Tunisiens. Mariem, qui était équipée d’une bouée de natation lorsqu’elle a été soudainement emportée par le vent, était encore introuvable jusqu’à lundi 30 juin après plus de 72 heures de recherche. Profondément meurtris par leur drame et complètement inconsolables après de longues heures d’attente et d’incertitude, les parents de Mariem ne vont sans doute jamais se pardonner l’imprudence qui, en une fraction de seconde, a fait basculer leur vie. D’aucuns diront, tout simplement, que c’est le destin, non sans appuyer leur avis par une citation attribuée à Solon, un poète athénien qui disait que « si le destin est inévitable, pourquoi chercher à l’éviter ». Une fillette de 3 ans emportée avec sa bouée de natation, on ne sait toujours pas où, est la victime de l’imprudence de ses parents, certes, mais pas tout. Oserons l’affirmer sans détour que ce drame est également synonyme d’une défaillance (impardonnable) au niveau des secours publics. L’efficience du secourisme est souvent mesurée par la rapidité de l’intervention (pour le cas de la disparition de Mariem avec sa bouée de natation, la Protection civile ne s’était intervenue qu’environ 40 minutes après la première alerte lancée, d’après des témoins oculaires). En cas d’accident, en mer ou en terre, chaque minute compte, et le facteur temps peut faire la différence entre la vie et la mort. Les équipes de sauvetages doivent être capables de se déployer rapidement, de prendre les bonnes décisions en un temps record pour une meilleure prise en charge des personnes en détresse. A l’image de la plupart des services publics, la Protection civile en Tunisie est aujourd’hui sous-équipée accablée par des législations archaïques et obligée de fonctionner avec des ressources humaines et matérielles médiocres.
L’Etat, a qui incombe l’essentiel des actions dans le processus de prévention et de protection de la population contre les catastrophes, se doit de déployer tous les moyens permettant de perfectionner la protection civile. L’approche traditionnelle dans laquelle sont employés des équipements de prévention et d’intervention classiques s’avère aujourd’hui insuffisante pour ne pas dire qu’elle appartient à une époque révolue. Dans le monde, il y a aujourd’hui une transformation radicale dans le domaine du sauvetage et du secourisme. En 2024, à l’occasion de la célébration de la journée mondiale de la protection civile, le 1er mars, l’Organisation internationale de la protection civile (OIPC) a ainsi mis l’événement sous le thème très spécifique des «technologies innovantes au service de la Protection civile». A travers ce thème, l’OIPC invite les acteurs de la protection civile à s’investir davantage dans le  développement et l’intégration des technologies innovantes dans toutes les phases de la gestion des risques des catastrophes. Beaucoup d’expériences montrent aujourd’hui le rôle fondamental que peuvent jouer les technologies dans la prévention et la réduction des risques de catastrophe et la protection des personnes. Elles facilitent les actions sur toute la chaîne et permettent l’anticipation des interventions et des prises de décisions rapides pour une protection maximale. Des drones, des robots et des équipements de localisation géographiques fonctionnant à l’aide des algorithmes de reconnaissance développés par l’IA sont autant d’outils qui sont désormais employés par les services de protection civile dans le monde. Ces drones, largement adoptés ailleurs, et qui suscitent encore une méfiance incompréhensible en Tunisie, auraient, sans doute, aidé à lever le voile sur le sort énigmatique de Mariem toujours introuvable à Kelibia.
Contrairement à une intervention classique par des vedettes de secours et des équipes de plongeurs nécessitant beaucoup de temps pour se déployer, le drone, par sa taille et sa légèreté, peut être rapidement mis en vol, offrant une précieuse longueur d’avance qui pourrait s’avérer cruciale pour le sort des personnes en détresse. Les drones peuvent être équipés de caméras infrarouges pour repérer les personnes dans l’eau, même en cas de visibilité réduite. Ils peuvent également transporter et déposer des bouées auto-gonflables à proximité de la victime, accélérant ainsi l’intervention des sauveteurs. L’on aime bien croire l’Etat qui dit toujours être résolument engagé pour protéger ses citoyens. Son engagement ne peut aboutir aux résultats escomptés qu’en surmontant, d’abord, cette méfiance inexplicable et injustifiable vis-à-vis de la technologie, et en croyant en des milliers de jeunes capables de créer des solutions technologiques à tous les problèmes…
H.G.  
 

Partage
  • 25 Avenue Jean Jaurès 1000 Tunis R.P - TUNIS
  • 71 331 000
  • 71 340 600 / 71 252 869