contactez-nous au 71 331 000
Abonnement

Editorial : Basta ! - Par Hassan GHEDIRI

Mercredi 2 juillet 2025, environ 9h50, sous un soleil de plomb, des centaines de passagers ont été obligés de marcher sur les rails en évitant de trébucher dans les cailloux du ballast. Un spectacle surréaliste mais devenu tristement banal de nos jours à cause du (grâce au !) comportement d’un nombre de cheminots de la SNCFT rémunérés par l’argent des contribuables. Tout marchait, en effet, normalement jusqu’au moment où l’on s’engageait dans le dernier kilomètre des rails avant la gare centrale de place Barcelone quand, brusquement, le train s’est arrêté. Une, deux… quatre…six minutes qui passent et pas le moindre son ne jaillit des mégaphones pour rassurer les passagers et apaiser un malaise qui enfle et se répand dans les wagons. Soudain, se déclenche le fameux bip qui précède l’ouverture des portes. Toujours sans aucun commentaire du conducteur qui reste muet dans sa cabine de commande. Irrités par le comportement dangereux d’une foule de passagers qui commencent à descendre et à s’aventurer sur environ un kilomètre de rails les séparant de la gare, des voyageurs ont frappé sur la porte du « commandant de bord » pour demander des éclaircissements. Ce n’est qu’après plusieurs coups que l’homme apparaît, l’air nerveux, pour signifier à ses interlocuteurs qu’une panne bloque l’engin avant de se refermer sans attendre son reste. Vite transmise de bouche à oreille, la (fausse !) information sur la panne et des centaines de passagers, pressés et impatients, qui se déversent sur les rails.  Et surprise : le conducteur referme les portes et reprend tranquillement son chemin, feignant de ne pas voir les centaines de mains qui s’agitent dans l’air espérant d’être aidés à se sortir de leur pétrin. Arrivés à la gare, furieux - victimes de l’abandon du service public et d’un laisser-aller qui règne dans une SNCFT livrée à des agents-bandits se croyant intouchables et au-dessus de la loi, se sont vus infliger une autre humiliation, absurde et cruelle. Tels les membres d’une meute qui se défendent mutuellement (et aveuglement), des cheminots présents dans la gare ont tout simplement balayé d’un revers de main les contestations des passagers en colère. 
Un cas de nonchalance et de négligence qui, dans les pays qui se respectent, ne passerait jamais sans faire l’objet de poursuite et de prise des sanctions les plus sévères à l’encontre de l’agent fautif. Dans nos murs, néanmoins, le corporatisme est un phénomène qui a la peau dure, voire une pathologie incurable infectant quasiment l’ensemble du service public et privant des millions de Tunisiens de leurs droits fondamentaux.
À force de tolérer l’intolérable, la société tunisienne s’est, malheureusement, accoutumée à l’humiliation. Le citoyen n’est plus qu’un figurant dans une tragi-comédie quotidienne où tous ses droits sont bafoués sous les yeux d’un pouvoir impuissant, et dans un pays où l’intérêt général s’efface et les privilèges des corporations l’emportent sur l’obligation de servir. Ce qui s’est passé aux usagers de ce train de la SNCFT, ce mercredi 2 juillet, n’est guère un incident isolé, mais le symptôme d’un effondrement généralisé de l’éthique professionnelle, du sens des responsabilités et du respect élémentaire envers les citoyens. Il ne s’agit plus de dysfonctionnements ponctuels mais d’un système devenu défectueux dans son essence même. Tout semble grippé, détraqué, abandonné. L’exemplarité n’existe plus, le mérite est sanctionné, la médiocrité érigée en norme. Quant au Tunisien, il continuera de payer, en argent, en temps, en dignité, les frais de cette décadence rampante. Mais jusqu’à quand? Combien de frustrations faut-il endurer encore, combien d’atteintes au bon sens faudra-t-il accumuler avant que l’Etat ne dise basta ! et s’attaque, enfin, à cette lente asphyxie du service public?

H.G.

Partage
  • 25 Avenue Jean Jaurès 1000 Tunis R.P - TUNIS
  • 71 331 000
  • 71 340 600 / 71 252 869