contactez-nous au 71 331 000
Abonnement

Édito : L’illusion de l’inclusion - Par Jalel HAMROUNI

Depuis des décennies, les puissances occidentales n’ont eu de cesse de clamer leur volonté d’«intégrer» le Sud global dans le système international. Sommets inclusifs, discours sur la coopération, déclarations de solidarité: tout un arsenal de mots creux destiné à donner une illusion d’ouverture. En réalité, cette prétendue inclusion n’a été qu’un habillage diplomatique dissimulant une volonté tenace de perpétuer un ordre mondial fondé sur le déséquilibre, la domination et l’unilatéralisme. Il est temps de déchirer le voile de cette hypocrisie et d’ériger un véritable ordre mondial équitable, pluriel et représentatif des aspirations du Sud global. Le groupe des BRICS incarne aujourd’hui cette alternative en pleine ébullition.
Le piège de l'inclusion mise en scène par les pays occidentaux repose sur une rhétorique paternaliste. On prétend donner une voix aux pays du Sud tout en maintenant les leviers du pouvoir – économiques, politiques et militaires – dans les capitales du Nord. Que ce soit dans le cadre du G7 élargi, du FMI, de la Banque mondiale ou du Conseil de sécurité de l’ONU, la place accordée aux pays du Sud est marginale, secondaire, voire décorative. On invite, on consulte, mais on décide ailleurs.
Prenons l’exemple emblématique du FMI: malgré les promesses répétées de réforme des quotes-parts et de représentativité, les pays africains et latino-américains restent sous-représentés et soumis à des programmes d’ajustement imposés, qui creusent les inégalités au lieu de les réduire. Les décisions cruciales restent dans les mains des mêmes – Washington, Bruxelles, Londres, Berlin – et les effets en cascade se font sentir partout dans les économies fragiles du Sud.
Sur le plan diplomatique, cette politique de façade est encore plus flagrante. L’Occident impose ses priorités, guerre en Ukraine, sanctions contre certains États, partenariats conditionnés à des critères «démocratiques», en exigeant une solidarité automatique. Pourtant, lorsque les drames humanitaires frappent le Sud global, qu’il s’agisse de famines, de conflits ou de catastrophes climatiques, les appels à l’aide rencontrent une indifférence glaciale. Les Palestiniens peuvent témoigner du deux poids deux mesures érigé en système.
Face à cette impasse historique, le besoin d’un nouvel ordre mondial n’a jamais été aussi criant. Un ordre qui ne soit plus unipolaire, mais multipolaire; qui ne soit plus dominé par des blocs d’intérêts atlantistes, mais par un équilibre des puissances reposant sur la coopération réelle, la souveraineté des peuples et le respect mutuel. Dans cette dynamique, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, rejoints récemment par d'autres pays du Sud comme l’Égypte, l'Éthiopie, l'Iran ou l’Argentine) émergent comme une force de transformation.
Le succès des BRICS repose sur plusieurs piliers fondamentaux : une vision de la coopération Sud-Sud, une contestation concrète des hégémonies occidentales, et la mise en place d’institutions alternatives, comme la Nouvelle Banque de Développement, qui financent des projets sans les conditionner à des dogmes néolibéraux. Contrairement aux promesses non tenues de l’Occident, les BRICS incarnent une voie nouvelle fondée sur la solidarité, le respect de la souveraineté nationale, et la volonté de bâtir un monde moins inégalitaire.
Certes, le groupe des BRICS est loin d’être homogène et traverse lui aussi des tensions géopolitiques. Mais son existence même prouve que le monopole occidental sur les affaires mondiales peut être remis en cause. L’élargissement du groupe et son attrait croissant démontrent qu’un nombre significatif de pays du Sud sont prêts à envisager une autre route, une route où ils ne seront plus simplement les figurants d’un théâtre diplomatique, mais les acteurs principaux de leur destin.
Le monde ne peut plus continuer à fonctionner selon une logique coloniale modernisée, dans laquelle quelques capitales occidentales décident du sort de milliards d’individus. Le XXIe siècle sera celui de l’émancipation du Sud global, ou il sera le théâtre de crises permanentes et de révoltes généralisées. Le temps des illusions est révolu.
Ce nouvel ordre mondial ne doit pas se contenter d’être une réaction ou une inversion des pôles de domination. Il doit incarner un projet d’humanité partagée, où les ressources, la technologie, la paix et la prospérité ne sont plus des privilèges mais des droits collectifs. Les BRICS ne sont pas une fin en soi, mais un levier pour y parvenir. C’est désormais à tous les peuples opprimés, marginalisés ou trahis par le système actuel de se mobiliser et d’exiger une place pleine et entière à la table mondiale. Car l’inclusion réelle ne se mendie pas. Elle se conquiert.

J.H.

Partage
  • 25 Avenue Jean Jaurès 1000 Tunis R.P - TUNIS
  • 71 331 000
  • 71 340 600 / 71 252 869