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Criminalité en Tunisie Pourquoi «tuer» est devenu un acte banal…?

Par  Myriam BEN SALEM-MISSAOUI

Encore une fois, une simple dispute familiale qui tourne au drame et c’est un beau-père originaire de Sfax qui a été cette fois-ci tué par son gendre. Comment expliquer cette banalisation de la violence en Tunisie?


Séparé de sa femme, il doit lui verser, comme le stipule la loi, la pension alimentaire. Justement, c’est à cause de cette pension que le couple vit au rythme d’éternelles disputes jusqu’à vendredi dernier lorsque le beau-père intervint pour calmer son gendre sans s’attendre à ce que ce dernier le poignarde mortellement. Ce drame s’est produit dans la ville de Sfax et en dit long sur la banalisation de la violence et derrière la prolifération du fléau de la criminalité. Et ce n’est pas tout. Hier, le procureur de la République du tribunal de première instance du Kef a déclaré à l’agence TAP (Agence Tunis Afrique Presse), à propos du décès de la jeune Abir Jebali par arme à feu, que le parquet a ordonné l’ouverture d’une enquête pour “homicide volontaire avec préméditation”. Et durant la même semaine écoulée à Tunis, un médecin a poignardé son épouse à la suite d’un différend familial. La victime a été transportée à l’hôpital où elle a subi une intervention chirurgicale. Son état est actuellement jugé stable. Il est à noter que le suspect, âgé d’une cinquantaine d’années, est dentiste. «De nos jours, pour un oui ou pour un non, le sang peut couler à flot. Cela montre la fragilité psychologie de certains tunisiens qui peuvent basculer dans la criminalité même s’ils ne sont pas prédisposés à commettre des crimes graves », nous dira la spécialiste Mariem Letaiem.
Dans son livre, «Criminalité et changements sociaux en Tunisie», Abdelwahab Bouhdhiba révèle que  «70 % des détenus ont déjà récidivé ou récidiveront. Ces données sont inquiétantes, car elles semblent mettre en cause la perfectibilité de l’homme et l’amendement des lois s’avère pour le moins illusoire. Déduction pessimiste, qu’il appuie en soulignant que le «criminel tunisien appartient en général à un milieu social traumatisant». Et d’ajouter: «Nous avons vu que l’écrasante majorité appartient à une famille désaxée, désarticulée et où l’éducation est nettement en désaccord profond avec la vision du monde de la société globale». Quelles sont les causes de cette métamorphose de la personnalité de certains Tunisiens?

Malaise général…
Selon le chercheur et universitaire, la société tunisienne a connu ces dernières années des « transformations profondes, telles l’industrialisation et l’urbanisation, renversement de certaines valeurs, telles l’émancipation de la femme, modification de la structure économique ayant provoqué le développement de groupes socio-professionnels, jadis squelettiques aujourd’hui en pleine expansion, font dresser le tableau des principaux changements sociaux qui sont en corrélation avec le sens actuel de la criminalité en Tunisie ». C’est aussi le constat dressé par la spécialiste, Mariem Letaiem, qui évoque, elle,  l’«Internet, les films violents, les réseaux sociaux et la prolifération du fléau de la drogue et de l’alcool».
Selon également le sociologue Sami Nasr : «L’addiction à la drogue est l’une des principales causes de la hausse de la criminalité et les statistiques confirment ce constat». En effet, une étude intitulée «Les actes de violence dans la schizophrénie», réalisée par l’Université de Tunis-El Manar et la Faculté de médecine de Tunis, a montré que «Soixante patients ont été inclus. 46,7% des patients ont eu un comportement violent en période prémorbide. L’agressivité était notée en tant que premier prodrome dans 13,3% des cas. 28 actes de violence majeure ont été commis par 30% des patients quelle que soit la période évolutive de la maladie. Dans 13,3% des cas, ces actes ont inauguré la maladie. La majorité des actes ont été perpétrés contre une personne de l’entourage. La récidive a été notée chez 44,4% des patients. Plusieurs facteurs de risque d’un comportement violent ont été retrouvés. Seule l’agressivité prodromique a été corrélée à un mauvais pronostic de la maladie». Selon, par ailleurs, le chercheur en civilisation islamique, Sami Braham, la faiblesse de l’Etat avec l’écroulement de l’ancien système et la reconstruction des institutions font partie des facteurs favorisant la violence dans notre société.

M.B.S.M.

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