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Editorial : Pour que la caisse ne soit pas un casse…

Par Chokri Baccouche

Les vidéos publiées par un ressortissant tunisien installé en Allemagne font le buzz depuis quelque temps sur les réseaux sociaux. L’homme, qui passe le plus clair de son temps à sillonner les dépôts spécialisés dans la vente des voitures d’occasion, a pris l’habitude de rapporter par le son et l’image tous les détails concernant les véhicules de seconde main disponibles au pays d’Angela Merkel. On y trouve de toutes les marques : de la petite citadine à la grosse berline en passant par les SUV et les décapotables. Bref, il y a de quoi titiller les rétines et faire rêver les amateurs des quatre roues qui se comptent par millions chez nous en Tunisie. Et ce qui met davantage l’eau à la bouche c’est que toutes ces voitures qui sont dans un excellent état sont proposées à des prix défiant toute concurrence. Il y en a en fait pour toutes les bourses : de la « petite caisse » à 1500 euros, soit l’équivalent de 5 mille dinars environ à la BMW ou la Mercedes ayant quatre ans d’âge et dont le prix est fixé aux alentours de 45 à 50 mille dinars tunisiens. Avec ce modeste prix, on peut tout juste se permettre en Tunisie une toute petite cylindrée bas de gamme quand on a la chance d’en trouver une disponible sur le marché bien évidemment. Les vidéos de ce créateur de contenu connaissent un franc succès auprès du public tunisien.
Elles suscitent à chaque publication la réaction de nombreux internautes qui commentent avec un pincement au cœur cet étalage de bagnoles presque neuves, proposées à la vente à des prix défiant toute concurrence. Beaucoup se demandent ainsi pourquoi les voitures sont-elles aussi chères en Tunisie au point de devenir pratiquement inaccessibles pour l’écrasante majorité des citoyens de la classe moyenne ou ce qui en reste. Le constat dressé par ces internautes reflète, en tout cas, la réalité des choses, car, chez nous, devenir propriétaire de son propre véhicule est un véritable parcours du combattant, voire une pure souffrance, tant les prix sont devenus, au fil des années, prohibitifs. Même les voitures dites populaires, qui n’ont de populaire que leur appellation, sont généralement inabordables pour bon nombre de Tunisiens.
Les chiffres fournis par les concessionnaires révèlent d’ailleurs que le prix d’un véhicule neuf a augmenté depuis 12 ans de 63%, et ce, de 2003 à 2015. Cette flambée intempestive des tarifs est due à la hausse annuelle de 2% imposée par les constructeurs. Elle résulte également du glissement du dinar par rapport à l’euro et au dollar. A cela, il faut ajouter bien évidemment les impôts et autres taxes perçus par l’Etat à travers le droit de consommation et la TVA qui représentent au moins 40% du prix final du véhicule, sans oublier bien évidemment la marge bénéficiaire des concessionnaires. Au final, c’est le consommateur qui paie les pots cassés, car il est saigné aux quatre veines pour se permettre le « luxe suprême » - qui n’en est pas un en fait - de réaliser son rêve d’acquérir un véhicule en propriété au prix d’énormes sacrifices.
Le comble dans tout cela c’est que la même tendance se vérifie également sur le marché des voitures d’occasion où les prix valsent régulièrement à la hausse. Même les tacots qui ont rendu leur âme depuis belle lurette coûtent cher. A « souk el kraheb » d’El Mourouj, haut lieu spécialisé dans la vente des voitures de seconde main, il faut compter plus de 22 mille dinars pour une vieille voiture qui affiche plus de 300 mille km au compteur. Comment sortir de ce cercle vicieux et faire en sorte que l’acquisition d’une voiture, qui n’est plus considérée de nos jours comme un luxe, soit plus accessible pour les citoyens tunisiens, sachant que dans d’autres pays comparables au nôtre, la situation est bien différente ?  L’idée que vient de soumettre Abdelkader Achour Ammar parait intéressante. Le député de la circonscription Sousse Ville - Sidi Abdelhamid a annoncé, en effet, le dépôt d’une proposition de loi visant à accorder aux résidents tunisiens, une fois dans leur vie, des privilèges fiscaux pour l’importation ou l’achat d’une voiture sur le marché local en Tunisie. Dans la pratique, ce projet de loi vise à permettre à tout Tunisien remplissant les conditions requises de bénéficier de la suspension des impôts et taxes, tels que les droits de consommation, les droits de douane et la taxe sur la valeur ajoutée. La suppression de ces taxes qui représentent, mine de rien, plus de 40% du prix final des véhicules neufs permettra, à coup sûr, d’alléger considérablement la facture. La proposition du député Abdelkader Achour mérite en tout cas qu’on s’y attarde et s’impose comme un moyen idoine de rendre le rêve de posséder une voiture plus accessible pour le Tunisien moyen. Un rêve d’autant plus légitime qu’il permettra aux plus chanceux d’éviter les désagréments de plus en plus insupportables des moyens de transport public…

 C.B.

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