La chute de Bachar el-Assad, longtemps perçue comme improbable, a ouvert une nouvelle ère d’incertitude en Syrie. Après plus d’une décennie de guerre, de destructions massives et d’interventions étrangères, le pays tente de se relever. Mais alors qu’il cherche à renaître de ses cendres, la Syrie se retrouve une fois de plus dans le viseur des puissances régionales et des ambitions géopolitiques.
La Turquie au nord, les États-Unis à l’est, et l’entité sioniste à l’ouest guettent ce moment de fragilité pour redessiner la carte du Proche-Orient selon leurs intérêts. Pourtant, il est plus que jamais temps de laisser les Syriens décider seuls de leur avenir.
Le peuple syrien a payé un tribut démesuré à la guerre : plus d’un demi-million de morts, des millions de déplacés internes et de réfugiés, une économie dévastée et un tissu social déchiré. Malgré tout, la résilience syrienne demeure remarquable. Dans les ruines d’Alep, de Homs ou de Deraa, on reconstruit pierre par pierre, on rouvre des écoles, on tente de relancer l’agriculture, on réapprend à vivre.
Mais ce fragile espoir reste menacé par les ingérences étrangères qui voient dans la Syrie non pas un pays meurtri, mais un champ de manœuvre stratégique.
La Turquie, d’abord, continue de jouer un double jeu. Sous prétexte de défendre ses frontières et de lutter contre les forces kurdes, elle maintient une présence militaire au nord de la Syrie et soutient des groupes armés alliés.
Ankara cherche à imposer une zone d’influence turque, profitant du vide politique laissé par la chute du régime. Ce faisant, elle compromet la souveraineté syrienne et aggrave la fragmentation du territoire. Le rêve néo-ottoman d’Erdogan, fait d’expansion et de contrôle, menace de transformer la Syrie en un simple pion sur l’échiquier régional.
Parallèlement, l’entité sioniste multiplie les provocations. Les bombardements ciblant les positions militaires syriennes sont devenus presque routiniers, sous couvert de « sécurité préventive ». Ces attaques, qui violent la souveraineté du pays, visent à maintenir la Syrie dans un état de faiblesse permanente. Tel-Aviv redoute le retour d’un État syrien fort, capable de soutenir la résistance au Golan occupé et de réaffirmer ses droits historiques sur ce territoire.
En réalité, derrière ces frappes se cache la volonté de dissuader toute alliance syro-iranienne qui pourrait bouleverser l’équilibre stratégique au Levant.
Les puissances occidentales, quant à elles, observent avec prudence. Les États-Unis maintiennent des troupes dans le nord-est, principalement pour contrôler les ressources pétrolières, tandis que l’Union européenne continue de conditionner toute aide à la reconstruction à une « transition politique complète ».
Ce chantage humanitaire, injustifiable après tant d’années de souffrances, empêche la relance économique et prive la population d’une aide essentielle.
Pourtant, la Syrie mérite mieux que ce statut d’État sous tutelle.
Après tant d’épreuves, son peuple doit pouvoir choisir librement son destin. Les Syriens ne veulent plus être les otages des rivalités internationales. Ils aspirent à la paix, à la stabilité et à la dignité. Le temps est venu de rompre avec les logiques de domination et de méfiance. La communauté internationale doit soutenir un processus politique réellement souverain, sans diktats extérieurs ni ingérences armées.
Le renouveau syrien passera par la réconciliation nationale. Les fractures communautaires et régionales, entretenues par la guerre, devront être dépassées à travers un dialogue inclusif. Les différentes composantes du pays – Arabes, Kurdes, Alaouites, Sunnites, Chrétiens – doivent pouvoir construire ensemble un projet commun, fondé sur la citoyenneté et la justice sociale. Il ne s’agit pas d’oublier les crimes ni d’effacer les douleurs, mais de tourner la page de la vengeance pour écrire celle de la reconstruction.
La Syrie peut redevenir un acteur essentiel du monde arabe, un pont entre les peuples plutôt qu’un champ de bataille. Pour cela, elle doit retrouver sa souveraineté pleine et entière. L’ingérence étrangère n’a jamais apporté la paix ni la démocratie, mais seulement la destruction et la division. Seuls les Syriens, dans leur diversité, peuvent définir les contours de leur avenir.
J.H.