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Editorial : Les bonnes et les mauvaises dettes - Par Hassan GHEDIRI

La Tunisie a réussi, au cours des trois dernières années, à honorer ses engagements envers ses créanciers étrangers, désavouant, ainsi, tous les pronostics sur une banqueroute que certains économistes avaient estimée inéluctable. Cette réussite parait toutefois précaire et peu rassurante. Et pour cause : faute d’accès aux marchés internationaux et en l’absence de financement extérieur suffisant, l’Etat se trouve massivement vers l’endettement intérieur. Pour gérer la situation, le cap est donc mis sur l’émission des bons de trésor. Selon les chiffres actualisés publiés par la Banque centrale de Tunisie, l’encours de Bons de Trésor Assimilés (BTA) a augmenté de plus de 11 milliards de dinars entre août 2024 et août 2025. Cette hausse reflète une volonté de l’Etat de réduire la pression liée au financement à court terme, parce que, durant la même période, l’encours des Bons de trésor à court terme, lui, s’est effondré, enregistrant une chute de près de 80%. Une manœuvre qui a un prix, et il est très élevé. Les BTA, en raison de leurs maturités plus longues, impliquent systématiquement des taux d’intérêt plus élevés que les émissionss à courte échéance. En effet, les BTA sont assortis de taux d’intérêt nettement plus lourds que les emprunts de court terme : autour de 9,2 % pour les maturités d’un an et près de 9,9 % pour celles à dix ans. Ceci dit, bien qu’ils permettent d’alléger la pression sur le Trésor public, les BTA entraînent une charge d’intérêt plus lourde sur le moyen et long terme. Autrement dit, comme pouvaient le confirmer tous les spécialistes, l’Etat réduit aujourd’hui le risque de refinancement, mais sans garantir la soutenabilité de sa dette qui se trouve sérieusement compromise. Le service de cette dette, étant naturellement exorbitant, contribue à l’alourdissement de la dette publique et à entrainer le pays dans un cercle vicieux où l’emprunt ne servirait plus qu’à rembourser d’autres emprunts, au détriment des investissements productifs générateurs de richesse, de croissance et d’emploi.
L’on est donc en face d’une situation qui invite à distinguer entre ce que les spécialistes appellent la « bonne dette » et la « mauvaise dette ». La bonne dette est celle qui sert à financier des investissements productifs, générant des revenus futurs qui permettent de rembourser les emprunts et à créer un cercle vertueux de financement et de refinancement. En revanche, sans une gestion rigoureuse, la dette devient « mauvaise » et se transforme en un fardeau puisque ne servant qu’à couvrir des dépenses courantes comme les salaires et les aides sociales.
La priorité pour l’Etat devrait donc être d’orienter le plus important de ses emprunts vers des projets d’investissements générateurs de croissance et ne plus se laisser leurrer par le confort momentané que semblent offrir les BTA qui cachent des charges d’intérêt très lourdes et un vrai risque d'insoutenabilité.  Il est également fondamental de mettre en œuvre des réformes structurelles qui contribuent à rendre plus efficaces et économiquement plus rentables les dépenses publiques avec, entre autres, la rationalisation des subventions et la consolidation de l’équité fiscale. C’est ce qui garantit de faire de la dette un véritable levier de croissance, plutôt qu’un fardeau moyennant une bonne gouvernance une planification stratégique et une discipline budgétaire exemplaire. La Tunisie, qui a fait preuve ces dernières années d’une capacité remarquable à honorer ses engagements envers ses créanciers étrangers, malgré un contexte national et international défavorable, le recours excessif aux bons assimilés, semble faire boule de neige. La priorité doit être de privilégier la «bonne dette», celle qui prépare le pays à la croissance et à la création de valeur, et de limiter la « mauvaise dette », qui ne fait qu’aggraver le cercle vicieux de l’endettement.

H.G. 
          

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