Minuit trente-cinq. La chaussée obscure s’écrase sous les roues et les feux des véhicules qui courent comme dans une course improvisée. Il n’était pas du tout facile de se tenir droit dans la voie du milieu au volant d’un véhicule doté de vieux phares de ceux que l’on croise par centaines chaque jour sur les routes de Tunisie. Le trajet qui vient juste de débuter prend d’emblée l’allure d’une aventure qui durera jusqu’à ce qu’émerger l’aurore. Car long, très long ce voyage qui s’étalera sur plus de cinq cents kilomètres pour joindre le nord du pays à son sud. En fait, très nombreux sont ceux qui préfèrent conduire la nuit et fuir le soleil brûlant qui grille l’asphalte. La nuit, cependant, c’est un noir ténébreux qui enveloppe à chaque tombée de la nuit ce tronçon de l’autoroute qui se prolonge sur plusieurs dizaines de kilomètres depuis la sortie sud de Tunis.
Les habitués de cette voie express ont sans doute constaté que, la nuit, les centaines de lampadaires implantés sur ce tronçon et censés éclairer le chemin des conducteurs restent désespérément éteints pour on ne sait quelle raison. Aucun prétexte ne pouvait toutefois justifier le fait de laisser une autoroute très fréquentée sombrer dans l’obscurité dans un pays qui, de surcroît, se classe tristement au top 10 du palmarès mondial de l’insécurité routière. Mais il faut l’avouer: éclairer toutes les autoroutes du pays est quelque chose qui peut facilement coûter plusieurs milliards de dinars si l’on utilise les solutions classiques. Il serait absurde d’imaginer des millions de lampes s’allumer toutes les nuits sur des milliers de kilomètres d’autoroutes au moment où l’on peine à satisfaire une demande croissante en électricité surtout et que la facture de l’énergie est en passe de rendre les déficits complètement irrémédiables. Ceci n’empêche toutefois que les solutions existent. Notre pays qui dispose d’un potentiel solaire exceptionnel peut bel et bien s’offrir le luxe d’éclairer toutes ses autoroutes, quasiment gratuitement.
Avec plus 3.000 heures d’ensoleillement annuel, notre pays se classe parmi les meilleures régions de la Méditerranée ayant l’opportunité d’exploiter l’énergie solaire. Se contentant de quelques expériences très timides, l’Etat tunisien manque encore à promouvoir cette énergie renouvelable dans le secteur routier. Au Sénégal par exemple qui possède un taux d’ensoleillement important, l’on vient de lancer des projets très ambitieux tel que le programme baptisé «les autoroutes du solaire». Ce programme innovant prévoit l’installation de systèmes photovoltaïques le long du réseau autoroutier de ce pays de l’Afrique de l’ouest. L’objectif étant de produire jusqu’à 1 gigawatt d’énergie solaire. En effet, Dakar compte utiliser l’énergie produite dans l’alimentation des gares de péage, des bâtiments d’exploitation, ainsi que l’éclairage des autoroutes et des aires de service. Ce projet inclut également l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques, contribuant ainsi à la transition énergétique du secteur des transports. Une partie de l’énergie générée sera par ailleurs injectée dans le réseau national, permettant de diversifier les sources d’énergie et de renforcer l’approvisionnement en électricité du pays.
Ce modèle doit inspirer la Tunisie qui tarde bizarrement à mettre en œuvre des projets programmés depuis environ deux décennies et qui visent à réduire considérablement la dépendance aux énergies fossiles importées à coup des milliards de dinars et faire du solaire une ressource fondamentale dans le mixte énergétique du pays.
H.G.