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Editorial : Qu’attend l’ONU pour déclarer la famine de masse dans la bande de Gaza ? - Jalel HAMROUNI

Il y a des questions qui, par leur simple énoncé, témoignent de l’ampleur d’une tragédie. Celle qui s’impose aujourd’hui avec une urgence glaçante est celle-ci : qu’attend l’ONU pour déclarer officiellement la famine de masse dans la bande de Gaza ? Les faits sont là, insoutenables, documentés, criants. Des enfants meurent de faim. Des mères réduisent leur ration à une bouchée par jour pour tenter, en vain, de nourrir les leurs. Les champs sont détruits, les pêcheurs empêchés de sortir, l’aide humanitaire bloquée ou bombardée. Et pourtant, le mot "famine", ce mot qui devrait alerter la conscience du monde, reste obstinément absent des déclarations onusiennes.
Selon toutes les définitions en usage, y compris celles de l’ONU elle-même, les conditions actuelles à Gaza relèvent bel et bien d’une famine. Le système de santé est anéanti, les marchés sont vides, les prix des denrées ont explosé, et les données recueillies par des ONG comme Médecins Sans Frontières, l’UNRWA, ou le Programme alimentaire mondial sont alarmantes. Des centaines de milliers de civils, en majorité des enfants, sont désormais exposés à un risque mortel de malnutrition aiguë. Mais tant que le mot "famine" ne sera pas officiellement prononcé par les grandes institutions internationales, les mécanismes d’urgence ne pourront être pleinement activés, et les responsabilités resteront floues.

Alors, pourquoi ce silence ? Pourquoi cette frilosité sémantique face à une tragédie humanitaire d’une telle ampleur ? Il ne faut pas se voiler la face : le mutisme de l’ONU n’est pas seulement une question de lenteur bureaucratique. Il est le fruit d’un calcul politique, d’un équilibre diplomatique malsain, d’une crainte d'accuser ouvertement l’entité sioniste de mener une guerre qui ne fait plus seulement des morts par les bombes, mais aussi par la faim.
Car oui, la famine à Gaza n’est pas une catastrophe naturelle, ni même le résultat d’un effondrement économique. C’est une politique délibérée. Une stratégie militaire d’asphyxie d’un peuple tout entier, mise en œuvre méthodiquement : destruction des infrastructures agricoles, bouclage total des frontières, restriction de l’entrée des denrées alimentaires, attaques ciblées contre les convois humanitaires, et harcèlement systématique des ONG présentes sur le terrain. Tout cela forme un tableau accablant qui, dans d’autres contextes, aurait suffi à justifier une enquête internationale pour crime contre l’humanité.
Mais Gaza n’est pas n’importe où et les victimes ne sont pas n’importe qui. Elles sont Palestiniennes, et cela semble suffire à certains pour les reléguer à une indignité silencieuse. Les appels désespérés de l’UNICEF, du CICR, des hôpitaux gazaouis, résonnent dans le vide diplomatique d’un Conseil de sécurité paralysé par le droit de veto et la lâcheté morale des grandes puissances. Et pendant ce temps, les enfants meurent — non pas par manque de ressources mondiales, mais par manque de courage politique.
Ce qui rend cette situation encore plus insoutenable, c’est l’hypocrisie flagrante de la communauté internationale. L’ONU sait. Les diplomates savent. Les données sont disponibles, les images insupportables circulent, les témoignages s’accumulent. Et pourtant, rien. On tergiverse, on temporise, on "s'inquiète profondément", on appelle à "une désescalade", mais on évite le mot clé : famine. Parce que le prononcer obligerait à agir. Et agir, dans le cas de Gaza, impliquerait de dénoncer frontalement la responsabilité de l’occupant et de ses alliés.
Mais combien d’enfants doivent encore mourir pour que les mots soient dits ? Combien de ventres creux, de cris étouffés, de bébés émaciés faudra-t-il avant que l’ONU sorte de son inertie ? L’Histoire jugera, et elle sera sévère. Elle se souviendra de ceux qui, par leur silence, auront permis que la faim devienne une arme. Elle se souviendra que, face à une famine fabriquée de toutes pièces, les grandes institutions ont préféré le confort du langage diplomatique à l’exigence de l’humanité.
Il est temps de briser ce silence complice. Il est temps de nommer les choses. Il est temps que l’ONU reconnaisse ce que tous les témoins de terrain constatent : la bande de Gaza est en proie à une famine de masse, orchestrée sciemment. Le monde ne peut plus détourner les yeux. Le mot "famine" ne sauvera pas à lui seul des vies, mais il pourrait enfin enclencher une réaction à la hauteur du drame. Chaque jour d’attente est un jour de trop. Chaque minute de silence est une minute de honte.
Gaza meurt de faim. Et l’ONU que fait-elle ? Elle attend. Mais le monde, lui, ne devrait plus attendre pour exiger qu’enfin justice et humanité soient rendues à un peuple affamé sous les bombes.

J.H.

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