Le thermomètre entend battre, joyeusement, des records, cet été en Tunisie. La journée d’hier, lundi 21 juillet 2025, peut déjà mériter le titre du jour le plus chaud de l’année, en attendant d’être détrônée, très bientôt, d’autant plus que des météorologues promettent de voir le mercure s’affoler davantage dans les prochaines semaines pour justement grimper à des niveaux jamais atteints auparavant. L’alerte a été, en effet, lancée depuis plusieurs jours à travers des bulletins officiels diffusés par l’Institut national de la météorologie mais également sur les réseaux sociaux, où fusent depuis quelque temps des cartes montrant une Tunisie noyée d’un rouge foncé illustrant les températures les plus extrêmes. Ce nouvel épisode caniculaire qui s’abat sur le pays vient rappeler que le réchauffement climatique est un fait réel se présentant comme l’un des défis majeurs pour la Tunisie. La hausse anormale de la chaleur qui devrait se poursuivre en s’accentuant dans les prochaines années risque, quant à elle, de couter extrêmement cher à l’économie de la Tunisie.
De plus en plus d’études menées dans le monde permettent aujourd’hui d’estimer la facture (invisible) de la canicule sur le monde du travail. En Europe, par exemple, les experts ont pu estimer le coût économique des vagues de chaleur extrême (température supérieure à 35°C). Selon une étude publiée début juillet, la zone Euro pourrait se voir amputer 0,5 point de son PIB sous l’effet de la vague de canicule qui a sévi sur le vieux contient au début de cet été. Plusieurs autres études avaient par ailleurs tenté d’évaluer le coût économique global des canicules depuis plusieurs années. En 2022, l’Agence européenne de l'environnement a estimé, par exemple, que les canicules ayant touché une trentaine de pays européens entre 1980 et 2000 avaient coûté près de 60 milliards d'euros, soit un peu plus de 200 milliards de dinars tunisiens. D’autre part, une autre étude avait estimé que les vagues de chaleur enregistrées dans le monde au cours des deux décennies (de 1992 à 2013) avaient statistiquement entraîné une baisse de la croissance économique se chiffrant à environ 16 billions de dollars (équivalent de… 47 mille milliards de dinars tunisiens !). Il s’agit du coût global associé à l’impact des températures élevées sur la santé humaine, la productivité et la production agricole.
Il est par contre difficile, voire quasiment impossible, d’estimer, aujourd’hui, ne serait-ce qu’approximativement, le manque à gagner que pourrait entrainer l’épisode de canicule qui a frappé de plein fouet la Tunisie ces trois derniers jours et qui commence à fléchir doucement. Ce n’est toujours pas encore dans les habitudes de nos décideurs de sortir les calculettes pour comptabiliser la perte en PIB chaque fois que le thermomètre franchit la barre de 40 ou 45°C dans le pays. Un tel reflexe s’avère pourtant indispensable pour un pays fortement affaibli par une multitude de crises structurelles qui plombent sa croissance, et qui ne manquera pas de subir dans le futur des épisodes de canicule plus intenses les uns que les autres. Déjà on peut affirmer que scientifiques et économistes s’accorderont à croire qu’en l’état actuel des choses, la Tunisie se rangera parmi les pays qui seront moins aptes à atténuer l’impact des vagues de chaleur sur leur production économique. Ce sont en effet les pays riches qui semblent aujourd’hui être moins touchés, car plus aptes à investir et à rompre le lien de causalité entre la hausse de température et la baisse de productivité.
Il est donc devenu urgent pour la Tunisie d’apprendre à vivre avec la canicule et d’y envisager les réponses appropriées. Ceci implique l’implémentation d’une véritable stratégie d’adaptation climatique intégrée, pensée à l’échelle des politiques publiques et du tissu économique. Il faudra alors repenser les législations pour rendre les conditions de travail climatiquement correctes, reconsidérer les infrastructures publiques et industrielles, protéger davantage les travailleurs des secteurs particulièrement vulnérables. La nouvelle donne exige également de consolider la résilience de l’agriculture aux chocs thermiques et de mise davantage sur les technologies offrant une meilleure efficacité énergétique. Il est enfin question de promouvoir les constructions adaptées aux fortes chaleurs moyennant par exemple une fiscalité plus incitative en faveur des investissements durables. Plus la Tunisie tarde à intégrer l’impact de la chaleur dans ses plans de développement, plus elle sera climatiquement et économiquement vulnérable.
H.G.