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Editorial : Un redéploiement vital…

Par Chokri Baccouche

A compter  du 1er août prochain, les Etats-Unis vont imposer un droit de douane de 25% pour tous les produits en provenance de la Tunisie. Cette décision vient d’être signifiée par le président américain Donald Trump dans une lettre officielle datée du 7 juillet adressée au chef de l’Etat, Kaïs Saïed. Le courrier au ton direct et ferme fait partie d’une série de correspondances similaires adressées à d’autres pays concernés. Selon Donald Trump, cette décision vise à rééquilibrer une relation commerciale jugée désavantageuse pour les Etats-Unis. Le président américain pointe du doigt les politiques tarifaires et non tarifaires tunisiennes, ainsi que les barrières au commerce, accusées d’avoir contribué à « des déficits commerciaux persistants » au détriment des intérêts américains. La lettre précise que cette nouvelle taxe s’appliquera à tous les produits tunisiens, en plus des droits sectoriels existants. Les marchandises transbordées pour échapper à ces nouveaux droits seront également concernées. Alternant la carotte et le bâton, la Maison Blanche propose dans la foulée une alternative et pourrait lever ces taxes «si des entreprises tunisiennes choisissaient d’investir directement sur le sol américain en y produisant leurs biens. La lettre met en garde néanmoins contre d’éventuelles mesures de rétorsion de la part des autorités tunisiennes. Elle précise en effet que «toute augmentation des droits de douane tunisiens serait automatiquement répercutée sur les produits tunisiens exportés vers le marché américain, en s’ajoutant au taux de 25% déjà annoncé ». Last but not least, Trump dit qu’il pourrait être amené à réviser cette décision à condition que la Tunisie « ouvre ses marchés jusque-là fermés » et supprime ses « politiques tarifaires et non tarifaires ».
Bref, les Etats-Unis entrent brutalement dans le vif du sujet et mettent à exécution ce que le président américain avait déjà annoncé il y a un peu plus de deux mois. Les produits tunisiens seront taxés à hauteur de 25% et c’est à prendre ou à laisser. Le textile, l’agroalimentaire, la chimie et la pharmacie sont les principaux secteurs concernés par cette mesure protectionniste américaine. Ils vont donc coûter plus cher à l’entrée sur le marché U.S, chose qui va réduire logiquement et inévitablement leur compétitivité par rapport à la concurrence. Le plus troublant dans cette affaire, c’est que les autorités tunisiennes ne semblent pas avoir pris au sérieux la surtaxe annoncée par Washington. Aucune réaction n’a été en effet enregistrée contrairement à d’autres pays qui ont pris l’initiative de multiplier les contacts et les missions afin de défendre leurs intérêts. Ce qu’il faut saisir à ce propos, c’est qu’il ne s’agit plus seulement d’un différend commercial dans la mesure où le véritable enjeu porte sur la place de la Tunisie dans l’ordre économique mondial qui connait forcément aujourd’hui des remous spectaculaires. Sans rentrer trop dans les détails, on ose espérer que nos responsables ont déjà pensé à une alternative susceptible de préserver nos intérêts dans ces bouleversements profonds qui secouent la sphère commerciale mondiale.
La guerre commerciale décrétée tambour battant par Donald Trump sur fond d’un protectionnisme exacerbé s’inscrit en réalité droit dans le fil de la course effrénée pour le leadership mondial à laquelle se livrent les grandes puissances. Plus pragmatique, le géant chinois s’est révélé être un fin stratège. Au moment où l’Amérique de Trump dégaine à tout va et tire à vue, commercialement parlant, sur tout ce qui bouge, y compris sur ses alliés les plus proches en augmentant considérablement ses redevances douanières, Pékin joue la séduction. Les autorités chinoises viennent en effet d’annoncer la suppression des droits de douane sur les importations en provenance de 53 États africains souverains, une mesure qui promet d’accroître significativement le potentiel commercial du continent tout en renforçant l’influence de Pékin en Afrique. Ce geste, dévoilé la semaine dernière, marque un tournant majeur dans la stratégie économique et diplomatique de l’Empire du milieu. Cette nouvelle politique zéro tarif s’étend bien au-delà du précédent engagement pris en 2024, qui concernait 33 pays considérés comme les moins développés. Elle balise le terrain à un repositionnement majeur sur l’échiquier international qui risque de réduire le levier américain et de redessiner les alliances mondiales en faveur de Pékin.
Outre la suppression des droits de douane, la Chine prévoit également d’accompagner les économies africaines les plus fragiles avec des mesures facilitant l’accès au marché, les contrôles sanitaires et le dédouanement. Ces initiatives visent à renforcer la capacité exportatrice des pays africains, déjà largement présents sur le marché chinois. À plus long terme, cette dynamique pourrait entraîner un déclin de l’influence américaine en Afrique. Les dirigeants africains pourraient se rapprocher davantage des positions chinoises sur la scène internationale, réduisant ainsi la portée des initiatives occidentales telles que les régulations commerciales ou les sanctions. Le projet pharaonique chinois de la « Route de la soie » est déjà en marche.  La recomposition en cours de la carte commerciale mondiale doit inciter nos gouvernants à prendre impérativement le train en marche. Un redéploiement fondé sur l’établissement de nouvelles relations de partenariat est plus que nécessaire pour préserver les intérêts de notre pays et ouvrir de nouvelles perspectives « au made in Tunisia » dans un environnement économique mondial de plus en plus instable et qui fait peu de cas aux retardataires et aux vulnérables…

C.B.

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