La récente décision de la Cour suprême des États-Unis de restreindre le pouvoir des juges fédéraux à bloquer les décisions de l'exécutif représente un tournant inquiétant dans l’histoire constitutionnelle américaine. En redéfinissant les équilibres entre les pouvoirs, cette décision favorise dangereusement l’omnipotence présidentielle, en particulier à un moment où Donald Trump, figure clivante et populiste, sème le désordre partout dans le monde. Derrière l’apparente technicité juridique de cette décision se cache une évolution majeure : l’affaiblissement volontaire des garde-fous démocratiques au profit d’un exécutif aux intentions souvent opaques.
La Cour suprême, dominée par une majorité conservatrice consolidée sous Trump, vient de donner un signal fort : la présidence pourra désormais imposer certaines de ses décisions sans craindre l’intervention immédiate des tribunaux inférieurs. Cette orientation réduit la capacité de la justice à jouer son rôle traditionnel de contrepoids, en particulier face à des politiques controversées ou potentiellement inconstitutionnelles. Or, dans une démocratie saine, c’est précisément la séparation des pouvoirs qui garantit les libertés fondamentales. En affaiblissant les prérogatives du pouvoir judiciaire, la Cour offre à l’exécutif un chèque en blanc aux conséquences incalculables.
Cette décision tombe à point nommé pour Donald Trump. Lui qui a toujours fustigé les contre-pouvoirs, dénoncé les « juges activistes » et promis un « retour à l’ordre » voit ainsi sa vision autoritaire de la présidence légitimée par la plus haute juridiction du pays. En clair, Trump disposerait d’un pouvoir encore plus renforcé, peu contraint par la justice. Ce contexte ouvre la voie à une présidence sans limites, à la manière de certains régimes illibéraux qui, sous couvert de légalité, réduisent méthodiquement les espaces de liberté.
Mais au-delà du cadre strictement américain, cette décision aura des répercussions à l’échelle internationale. Car les États-Unis ne sont pas un pays comme les autres. Leur modèle institutionnel, souvent cité en exemple, inspire de nombreuses démocraties émergentes. Lorsque la Cour suprême affaiblit les contre-pouvoirs, elle envoie un message dévastateur à tous les régimes autoritaires : il est désormais possible de centraliser les pouvoirs, même dans le pays qui se prétend le chantre de la démocratie. Cette jurisprudence risque ainsi de légitimer d’autres dérives ailleurs dans le monde.
Sur le plan géopolitique, un président Trump libéré de tout frein judiciaire représenterait un risque majeur pour la stabilité mondiale. Son deuxième mandat a été marqué par des décisions unilatérales, provocatrices et souvent destructrices : droits de douane, attaque contre l’Iran, soutien inconditionnel à l’entité sioniste dans son offensive contre Gaza, hostilité systématique envers les Nations unies et ses agences. Libéré des contraintes judiciaires internes, Trump pourrait aller encore plus loin dans sa politique étrangère agressive, mettant en péril les équilibres précaires dans de nombreuses régions, du Moyen-Orient à l’Asie.
Plus encore, cette décision de la Cour suprême constitue une alarme pour toutes les forces démocratiques. Le droit, censé protéger les citoyens des abus du pouvoir, est désormais instrumentalisé pour servir une idéologie politique. L’indépendance de la justice, pilier fondamental des sociétés libres, est en passe d’être sacrifiée sur l’autel du pouvoir exécutif. C’est une pente glissante vers une forme de despotisme moderne, où les décisions les plus contestables ne pourront plus être freinées par le pouvoir judiciaire.
Il est crucial que les défenseurs des libertés, aux États-Unis comme ailleurs, prennent la mesure de ce recul historique. Car en affaiblissant le rôle des juges, c’est toute la mécanique démocratique qui vacille. Aujourd’hui, ce sont les migrants, les journalistes, les militants et les opposants politiques qui risquent d’en faire les frais. Demain, ce pourrait être l’ensemble de la société civile, réduite au silence face à un exécutif devenu tout-puissant.
En somme, la décision de la Cour suprême américaine n’est pas un simple épisode juridique. C’est un basculement. Une victoire pour Trump et ses partisans, certes. Mais surtout une défaite cinglante pour la démocratie, l’état de droit et la paix mondiale. Le monde ne peut se permettre un second mandat de Trump débridé. Car, cette fois, les freins ont sauté. Et les conséquences pourraient être irrémédiables.
J.H.