La Tunisie se soumet, cette année, à l’évaluation de son dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent et du financement du terrorisme (LBA/FT). Il s’agit d’un exercice d’évaluation (et de réévaluation) mené par le Groupe d’action financière du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (GAFIMOAN), organe régional du Groupe d’action financière (GAFI). Cet exercice qui obéit au principe de l’évaluation mutuelle débouchera sur un rapport élaboré par les Etats membres du GAFIMOAN dans lequel sera diagnostiqué le système tunisien de LBA/FT et seront identifiées les actions prioritaires qui devaient être engagées pour réparer les éventuels dysfonctionnements par rapport aux 40 recommandations du GAFI.
Plusieurs experts craignent toutefois que la Tunisie ait failli à un nombre d’engagements, malgré une forte volonté de se conformer aux standards. Nombreux sont d’ailleurs les experts qui croient que notre pays est menacé de retomber dans la liste grise du GAFI, voire la liste noire. Leur argument : une recrudescence des transactions en espèces dans l’économie tunisienne, et une prolifération incontrôlable du marché parallèle, où les devises circulent librement en dehors des circuits réglementés.
Au terme de la visite (presque en catimini) effectuée il y a quatre semaines à Tunis, par des experts du GAFI, des médias étrangers, citant des «sources fiables» ont considéré que les gendarmes de la criminalité financière internationale n’étaient pas satisfaits des efforts fournis par la Tunisie. Notre pas serait «soupçonné de ne pas faire assez d’efforts en matière de transparence des flux financiers ou de numérisation des données», avait par exemple souligné «Jeune Afrique» dans un article consacré au sujet publié début juin dans lequel l’auteur pense que la Tunisie pourrait réintégrer la liste des pays «sous surveillance», dont elle est sortie en 2019.
L’obligation de mieux détecter les transactions et activités suspectes et de combler les failles dont profitent les criminels pour blanchir le produit d’activités illicites ou financer des activités terroristes par l’intermédiaire du système financier.
La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme est traditionnellement gérée au niveau national. La digitalisation comme un choix stratégique est une condition sine qua non de développement, dans laquelle la Tunisie s’implique lentement mais sûrement, s’avère aujourd’hui un pilier fondamental dans le dispositif de LBA/FT. L’émergence de nouveaux défis liés à l’innovation technologique, comme les monnaies virtuelles ou les plateformes de financement participatif impose toutefois une nécessité grandissante de maîtriser de nouveaux outils de surveillance.
C’est donc au-delà des dysfonctionnements classiques (coordination interinstitutionnelle insuffisante, lenteur judiciaire, déficits de formation et de moyens) que se manifestent les urgences pour la Tunisie. Le grand défi c’est celui des mutations technologiques. La digitalisation est désormais un impératif. Elle constitue à la fois une opportunité pour renforcer la transparence, tracer les flux financiers, détecter les transactions suspectes, mais également un grand défi pare qu’elle ouvre la voie à de nouvelles vulnérabilités. Dans l’ère de l’IA et du tout numérique, les crimes financiers se transforment radicalement. La Tunisie qui tente d’enclencher sa transition vers une économie digitalisée ne doit pas laisser des failles électroniques par lesquelles peut s’infiltrer l’argent sale.
H.G.