Par Chokri BACCOUCHE
Décidément, les protocoles et les règles de bienséance diplomatique ne sont pas les dadas de Donald Trump qui n’hésite pas, au besoin, de froisser la dignité de ses pairs. Lundi dernier, en effet, le président américain n’a pas pris de gants en quittant précipitamment le sommet du G7 qui se tenait au Canada laissant les gentils membres de ce «club des grandes démocraties» complètement ébahis. Cette dérobade subite du locataire de la Maison Blanche a été non seulement ressentie comme un affront mais interprétée également par les observateurs avertis comme une initiative délibérée de la part du chef de l’Exécutif U.S de saborder cette réunion au sommet pour des raisons liées à des convenances personnelles. Elle a laissé notamment sur le carreau le président ukrainien, Volodymir Zelensky, qui piaffait d’impatience pour rencontrer son homologue américain afin de l’inciter à prendre de nouvelles sanctions contre Moscou, voire plus «si affinités». Mal lui a pris, son arrivée sur les lieux dans un cortège de voitures de golf, censé charmer un Donald Trump qu’on dit fan de ce sport, est finalement tombée dans le «trou».
Deux raisons essentielles peuvent donner un élément d’explication logique au retour précipité de Donald Trump à Washington. Le président américain veut vraisemblablement éviter d’être confronté aux nombreuses doléances que ne manqueront pas d’exprimer ses interlocuteurs du G7, liées à la hausse intempestive des taxes douanières américaines à l’importation qui n’ont même pas épargné les alliés des Etats-Unis. L’autre raison, la plus importante en fait, concerne la guerre Iran-Israël. La réunion de crise tenue à huis-clos par le président américain à la Maison-Blanche reflète, à bien des égards, l’inquiétude des dirigeants U.S face à cette escalade militaire qui tourne actuellement à l’avantage de Téhéran. Cette hypothèse est d’ailleurs corroborée par des faits concrets et des preuves formelles.
L’entité sioniste et ses alliés occidentaux ont été surpris en effet par l’ampleur de la riposte iranienne. Les salves de missiles tirés du territoire iranien ont non seulement provoqué d’énormes dégâts dans les plus grandes villes israéliennes en paralysant l’économie du pays, mais ont poussé également de très nombreux Israéliens à l’exode. Les scènes de chaos et de destructions de l’infrastructure diffusées sur les réseaux sociaux, malgré le strict embargo sur l’image et le son décrété par les autorités israéliennes, confirment de manière on ne peut plus évidente la débandade prévalant actuellement en Israël, dont les dirigeants ne savent plus à quel saint se vouer pour sortir du terrible mauvais pas. Le principal architecte et instigateur de cette catastrophe inédite n’est autre que Benjamin Netanyahu, l’incorrigible va-t-en guerre Premier ministre israélien.
La réunion d’urgence à la Maison Blanche sonne apparemment comme une réunion de panique qui aurait poussé le président américain à prendre la décision, selon certaines rumeurs persistantes, d’impliquer directement les Etats-Unis dans ce conflit afin de voler au secours du trublion protégé israélien. Autant dire que la situation s’aggrave au fil des heures avec des perspectives très incertaines sur fond d’une extension probable du conflit au-delà du Moyen-Orient.
La guerre Iran-Israël ressemble à s’y méprendre à la sordide guerre déclenchée par l’Amérique de Bush qui a ravagé l’Irak de Saddam Hussein. L’une et l’autre sont motivées par des prétextes fallacieux et visent en réalité à servir des intérêts politiques et géostratégiques. L’arnaque du siècle de Colin Powell montrant dans l’enceinte du Conseil de sécurité de l’ONU une fiole censée contenir la preuve de la détention par l’Irak d’armes de destruction massive, alors qu’elle contenait en réalité de l’eau selon les propres aveux du cynique ancien chef d’état-major américain, en donne la preuve formelle. De la même manière, les Etats-Unis sont en passe de rééditer aujourd’hui le même scénario avec l’Iran. Le régime des mollahs est d’abord diabolisé dans le cadre de la rituelle guerre de propagande visant à convaincre l’opinion publique internationale du prétendu danger qu’il représente pour la sécurité dans le monde. Ironie de l’histoire, l’entité sioniste détient réellement l’arme nucléaire, agresse tous ses voisins et ne cesse de semer le chaos et la désolation au Moyen-Orient, mais c’est toujours l’Iran qui menace la paix et la stabilité de la région. Dernier rempart qui s’érige en obstacle contre les velléités expansionnistes d’Israël, l’Iran est, en réalité, le parfait bouc-émissaire de cette guerre aux relents à la fois néocolonialiste et bassement géopolitiques. En plus de permettre à Benjamin Netanyahu de réaliser son rêve de neutraliser définitivement son ennemi juré iranien, la chute du régime des mollahs est considérée par les stratèges washingtoniens comme un moyen idoine de torpiller le groupe des Brics, la nouvelle alliance montante qui menace directement le leadership américain dans le monde. La dédollarisation rampante des transactions commerciales internationales prônée par les Brics, qui plaident par ail-leurs en faveur de l’émergence d’un nouvel ordre mondial multipolaire, est vécue par les dirigeants américains comme un véritable cauchemar. C’est la raison pour laquelle ces derniers tentent par tous les moyens de saborder cette alliance en s’attaquant à l’un de ses membres les plus stratégiques, l’Iran en l’occurrence. Pourquoi l’Iran ? Parce que le pays des mollahs est considéré, à juste titre, comme l’un des principaux réservoirs de combustible qui alimente le moteur des Brics de par ses immenses ressources énergétiques en gaz et en pétrole. En Installant en Iran un régime résolument pro-occidental, les Etats-Unis seront ainsi capables non seulement de contrôler tout le pétrole du Moyen-Orient mais également de tarir les sources énergétiques de son grand rival chinois dans la course au leadership mondial. Il est bon d’ailleurs de rappeler à cet effet que Pékin importe actuellement près de 40% de ses besoins en pétrole de l’Iran.
Derrière le faux problème du nucléaire iranien, qui n’en a jamais été un en fait, se cachent donc des enjeux géopolitiques et stratégiques énormes. L’Occident qui a bien du mal à accepter l’émergence d’un monde multipolaire est tenté apparemment de jouer son va tout, dans l’espoir hypothétique de saborder cette perspective. Quitte en cela à permettre à leur pyromane attitré, Benjamin Netanyahu en l’occurrence, à jouer avec des allumettes à côté d‘un grand baril de poudre. Encouragé par ses protecteurs américains et européens à agir comme un électron libre, le Premier ministre israélien pourrait être le vecteur d’une guerre mondiale nucléarisée dont les signes avant-coureurs commencent à se faire sentir. A part cela, tout va pour le mieux dans un monde plus que jamais aux abois…
C.B.