Prévenir avec force une future crise phytosanitaire inédite et irréversible dans le secteur oléicole en Tunisie. La bactérie Xylella fastidiosa, qui a fait des ravages dans les oliveraies en Europe, menace sérieusement de s’installer dans notre pays, mettant en péril des millions d’arbres et risquant de détruire une filière agricole des plus stratégiques pour l’économie nationale. Une filière qui, rappelons-le, constitue l’un des piliers de nos exportations agricoles et pèse lourdement dans la balance commerciale alimentaire.
Le ministre chargé de l’Agriculture assure avoir pris ses dispositions pour faire front à cette bactérie. Très récemment, des spécialistes venus de plus d’une vingtaine de pays de la région euro-méditerranéenne ont échangé leur expérience lors d’une conférence organisée à Tunis. L’objectif : renforcer les capacités de détection et de prévention pour freiner la propagation de Xylella fastidiosa dans le bassin méditerranéen, où sont cultivés 95 % des oliviers du monde. Comme souvent, c’est à la faveur de la mondialisation des échanges que cette bactérie, originaire du continent américain, a pu voyager jusqu’à nos rives.
Cela fait aujourd’hui plus de dix ans que Xylella fastidiosa a été identifiée en Italie. En 2015, près de 10 % des quelque 11 millions d’arbres d’une des plus importantes régions de production oléicole étaient déjà touchées. La réponse fut radicale : les scientifiques de l’Institut agronomique ont recommandé la mise en place d’un cordon sanitaire et l’abattage systématique de tout arbre infecté ou suspect. Environ 60 millions d’oliviers avaient été sacrifiés. Une tragédie agricole dont les séquelles sont encore visibles aujourd’hui.
La Tunisie, qui possède l’un des plus anciens patrimoines oléicoles au monde, risque de devoir payer le même tribut exorbitant si elle échoue à dresser une barrière efficace contre cette «peste de l’olivier». Le danger ne vient pas seulement des oliviers : la bactérie peut contaminer près de 600 espèces végétales, dont certaines sont cultivées à des fins ornementales ou alimentaires. Cela complique considérablement le contrôle des vecteurs de la maladie, en particulier les insectes piqueurs-suceurs qui en assurent la propagation.
Si l’Italie a agi tardivement, sa riposte a été radicale. La Tunisie doit s’y inspirer et en tirer les leçons en commençant à mettre en œuvre un système de surveillance rigoureux à ses frontières. Car dans un contexte marqué par le relâchement des contrôles phytosanitaires et l’entrée anarchique de plantes et de semences d’origine incertaine, souvent transportées par des voyageurs ou introduites sans contrôle, le pays reste très vulnérable.
Le moindre relâchement est fatal. La responsabilité est générale et ne concerne pas uniquement les autorités. Agriculteurs, pépiniéristes, importateurs de végétaux, transporteurs, mais aussi les simples citoyens doivent tous être conscients des risques encourus. Une plante en apparence anodine peut en effet être le cheval de Troie d’un désastre agricole. Il ne faut laisser rien au hasard et ne pas lésiner sur les moyens. Les ravages causés par la bactérie des oliviers en Europe sont une alerte rouge pour la Tunisie. Si nous voulons préserver ce patrimoine séculaire, cette ressource économique vitale, nous devons trembler, et surtout agir avant qu’il ne soit trop tard.
H.G.