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Editorial : Prescrire les bons remèdes - Par Hassan GHEDIRI

Plus de 150.000 élèves entament cette semaine le marathon du baccalauréat en Tunisie, un rendez-vous national chargé de stress, d’espoirs et de projections vers l’avenir. Mais au-delà des chiffres et des épreuves, une tendance inquiétante se dessine: la désaffection grandissante des jeunes pour les filières scientifiques, et en particulier pour les mathématiques.
Cette année encore, alors même que le nombre total de candidats a augmenté de plus de 10 mille par rapport à 2024, la filière mathématiques ne compte que 5 % des élèves. Il y a quelques années à peine, ils étaient 20 %. Cette fonte spectaculaire devrait alerter bien au-delà des cercles éducatifs. Elle traduit une fracture croissante entre notre système scolaire et les réalités du monde contemporain.
Un rapport de l’Unicef publié en 2021 soulignait déjà que trois quarts des enfants tunisiens âgés de 7 à 14 ans présentaient de graves lacunes en calcul. Ce déficit de base, loin d’être corrigé en amont, s’aggrave au fil des années, nourrissant un désintérêt croissant pour les mathématiques et les sciences. Beaucoup de spécialistes croient que cette désaffection est la conséquence de réformes pédagogiques successives qui, au fil du temps, ont affaibli les filières scientifiques, sans jamais bâtir une véritable stratégie d’orientation fondée sur les aptitudes, les besoins du pays et les mutations du monde. Or, nous vivons à l’ère de l’intelligence artificielle, de la science des données, des technologies quantiques, de la robotique et de la cybersécurité. Tous ces domaines ont un socle commun : les mathématiques devenues un passeport indispensable pour comprendre et bâtir le monde numérique dans lequel nous évoluons.
Reculer sur ce terrain, c’est se priver de toute souveraineté technologique. C’est exposer nos futurs diplômés à un marché du travail de plus en plus exigeant, où les compétences scientifiques sont la clé d’accès aux emplois les plus porteurs. Il ne s’agit pas ici d’opposer les filières, mais de rappeler la nécessité de consolider les disciplines fondatrices de l’innovation.
Repenser l’orientation devient donc une urgence. Elle ne peut en aucun cas être réduite à une simple formalité administrative mais une étape charnière de laquelle dépendent le cursus éducatif et l’avenir professionnel de millions d’élèves, mais aussi le progrès du pays entier. Il faut donc en finir avec l’idée que la filière scientifique est réservée à une élite. Il faut réconcilier les élèves avec les mathématiques en les reconnectant à leur utilité concrète, à leur potentiel de transformation sociale, économique et même écologique.
La Tunisie a formé de brillants ingénieurs, chercheurs et universitaires qui ont rayonné bien au-delà de ses frontières. Ce capital humain ne demande qu’à être renouvelé. Mais cela passe par une volonté politique claire, des investissements ciblés, une refonte des programmes, un soutien massif à la formation des enseignants, et surtout une redéfinition de la place des  mathématiques dans notre projet éducatif. Chaque année, le bac met en lumière les succès et les maux de notre école. Il est temps que cette grande messe annuelle de l’éducation soit aussi l’occasion pour prescrire les bons remèdes.

H.G.

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