contactez-nous au 71 331 000
Abonnement

Chronique de Soufiane Ben Farhat : Les pousse-au-crime vous saluent !

Avouons-le d’emblée. Se pencher sur l’état du monde a de quoi bien inquiéter. Et cette partie du monde dans laquelle nous vivons -de l’Atlantique au Golfe- semble plutôt abondamment servie en matière de cataclysmes et de malheurs. Pourtant elle a été historiquement la terre de prédilection des prétentions et générosités universalistes, pourvoyeuse féconde des prophètes et des prêcheurs de la bonne parole. Dès lors, et paradoxalement, tout porte à bien comprendre ceux qui se posent la question lancinante. Qui croire en fin de compte, le diable ou le bon Dieu ? La pérennité du bien ou la persistance du mal ? Et puis, à bien y voir, le bien gagnera-t-il un jour ne fut-ce qu’une seule manche contre le mal ? Certes, m'objectera-t-on, ma vision est manichéenne. Soit, j’en conviens, entre un oui et un non il y a une infinité de peut-être. Mais, en matière politique, il y a surtout des degrés de bien et des échelles d’horreur.

Ne soyons pas dupes de la réalité des choses et encore moins de la morale. Les discours pour la galerie importent peu en matière de politique extérieure. “La diplomatie, disait de Gaulle, sous des conventions de pure forme, ne connaît que les réalités.” Tout est affaire de zones d’influence et de rapports de force en fin de compte. L’intérêt prime partout, et l’intérêt des nations confine le plus souvent aux dimensions les plus sordides.

Plus va-t-en guerre que moi tu meurs

Dans un futur proche, l’Occident s’en rendra compte, quoique tardivement. Parce que c’est déjà trop tard. Son soutien inconditionnel au génocide perpétré impunément par Israël à Gaza depuis six mois constitue un palier de non-retour. Les nouvelles lignes de fracture qui en découlent marqueront le monde pour les futures décennies.

En même temps, tout l’argumentaire onusien et propre à la légalité internationale promu tambours battants depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale est battu en brèche et décrédibilisé. Qui osera désormais parler, sans provoquer le rire quasi hystérique ou le dégoût épidermique, d’universalité des droits de l’homme, de monde libre, de pays démocratiques et de nations civilisées ? Entre le credo d’hier et le triste constat d’aujourd’hui, il y a un lourd bilan : Plus de trente-deux mille Palestiniens tués, en grande majorité des femmes et des enfants, plus de douze à quinze-mille encore ensevelis sous les décombres et plus de soixante-quinze mille civils blessés, mutilés et estropiés. Gaza, qui était déjà une vaste prison sinon carrément un camp de concentration à ciel ouvert, n’est plus que cendres et décombres. La réalité macabre et les exhalaisons de la mort y sévissent depuis des mois. Et l’Occident regarde. Et les Nations unies regardent. Et le Conseil de sécurité de l’ONU regarde.

Tout cela parce que Netanyahou a mis la baïonnette à l’ordre du jour et a entonné son cri de guerre tristement célèbre : “Plus va-t-en guerre que moi tu meurs” ! Et il sème depuis la mort et la désolation à tout vent. Les gouvernements occidentaux et nord-atlantiques, si prompts à défendre et soutenir l’Ukraine contre la Russie, jouent les autruches de service et donnent leur aval. En dépit des centaines de milliers voire des millions de citoyens occidentaux ayant massivement manifesté et exprimé leur refus de cette compromission éhontée avec le génocide et les crimes de guerre systématiques d’Israël.

Pas de limites à la mort kilométrique

Cela fait six mois que ça dure. Et cela ne semble guère offusquer les bonnes vieilles consciences occidentales, pseudo-démocratiques et libérales. Tant qu’on casse de l’Arabe, du musulman, du chrétien d’Orient, du kurde, de l’afghan ou du persan, passe encore. On connaît la rengaine. L’enfer, c’est les autres. Autrement, après nous le déluge. Dans leur for intérieur, ces prétendues bonnes consciences se soucient peu tant des malheurs quantitatifs que des massacres qualitatifs des autres. La mort kilométrique, à leurs yeux, n’a point de limites. Tant qu’il s’agit des autres.

On oublie toutefois une dimension capitale de cette nouvelle excroissance perverse d’un vieux conflit. Dans l’avenir, le rafistolage n’y pourra guère remédier. Il faudra tout reconstruire, en ayant surtout bien soin de se rappeler des affligeants et douloureux faux postulats de départ d’antan. Prétendre à l’universalisme par simple esprit de domination sera impossible à réaliser et surtout impossible à faire accepter ou intérioriser par les habitants des anciennes banlieues de la planète. D’ailleurs, au fil des changements effrénés que subira le monde sous peu, des notions aussi arbitraires que centre et périphéries, développés et arriérés ou métropoles et colonies trôneront désormais au musée des antiquités.

Chassez le naturel il revient au galop dit-on. Les mauvais plis aussi peuvent se grimer sous des atours d’authenticité. L’histoire des injustices et des iniquités ressemble par moments à un éternel recommencement. Et puis Céline n’avait-il pas écrit dans Bagatelles pour un massacre : “La race des pousse-au-crime est toujours semblable à elle-même.”

Prolétaires du monde entier, les pousse-au-crime vous saluent.

S.B.F

 

 

Partage
  • 25 Avenue Jean Jaurès 1000 Tunis R.P - TUNIS
  • 71 331 000
  • 71 340 600 / 71 252 869