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La Chronique de Soufiane Ben Farhat : Élection présidentielle : “Qu’est-ce qu’il fait qu’est-ce qu’il a qu’est-ce que celui-là ?”

Par Soufiane Ben Farhat 

 

En politique aussi il y a une bourse de valeurs. Il y a toujours des enseignes de partis, d’organisations ou des noms de personnes qui montent ou qui dégringolent au gré de l’actualité plus ou moins brûlante. Il y a également des spéculations, des coups de poker et des coups de bluff. Avec la perspective de l’élection présidentielle cette année sous nos cieux, la bourse des noms de candidats potentiels s’est réchauffée.

Sauf que ce n’est pas si évident du point de vue logique. Lors de la dernière élection présidentielle, en 2019, pas moins de 97 candidats s’étaient présentés entre le 2 et le 9 août. Après vérifications réglementaires et recours judiciaires d’usage, 26 d’entre eux sont restés en lice. En fait, les candidatures fantaisistes étaient légion.

Cette année, il faut s’attendre à un scénario pareil, quoique de moindre envergure. En effet, la Constitution de 2022 stipule trois conditions nouvelles se rapportant à la nationalité des grands parents du candidat, à son casier judiciaire et à son âge minimum.

N’empêche, à l’instar de Dame nature, la fantaisie n’accepte pas le vide. Et puis, une candidature, c’est presque gratuit voire même profitable dans certains cas. Pour certaines personnes il suffit d’avoir, à quelque titre que ce soit, le label de candidat à la présidence de la République pour fricoter à loisir.

 

Circonspection des familles politiques traditionnelles

D’ailleurs, dès la confirmation de la tenue de l’élection présidentielle dans les délais légaux, les déclarations de candidature se sont multipliées.

Côté familles politiques traditionnelles, c’est encore l’expectative. Il n’y a pas d’annonces solennelles, hormis les slogans habituels. A quoi bon rabâcher ce que tout le monde sait déjà ? Et pour cause. Toutes ces familles ou presque sont dans l’impasse. Depuis 2019, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Le discrédit de ceux qui gouvernaient durant la décennie noire (2011-2021) est sans appel. Et la sanction semble irréversible.

L’opinion, par essence volatile, a tourné le dos à la politique en général et à la classe politique en particulier. C’est dû, entre autres, aux contrecoups de la crise du Covid 19 qui s’étaient soldée par plus de vingt-cinq mille victimes en une seule année en Tunisie. Ceux qui gouvernaient en étaient largement responsables. Des affaires de corruption liées à la pandémie, aux bavettes, aux vaccins et aux soins les ont directement mis à nu. Ce fut le temps des malversations, des manipulations macabres et malintentionnées et des calculs de croque-morts. Et l’on se souvient toujours avec effroi de scènes hallucinantes et douloureuses de Tunisiens succombant chez eux, sur les places de marchés et aux seuils des hôpitaux.

D’ailleurs, au lendemain immédiat du gel du Parlement et de la dissolution du gouvernement le 25 juillet 2021, la vapeur a été sitôt inversée. C’est ainsi qu’on a pu administrer un million de vaccins en une seule journée, à raison de plus de cinquante mille par heure.

Puis vint le temps de l’étalage public et de la saisine judiciaire des affaires de corruption. Faut-il rappeler qu’elles sont le plus clair du temps liées aux politiciens de la misère des jours ?

Par association d’idées, les enseignes politiques traditionnelles sont devenues un véritable repoussoir. Qui parle encore aujourd’hui d’une manière amène du mouvement Ennahdha, de Nida Tounes, de la gauche du Front populaire ou même des sociaux-démocrates ? C’est, un peu partout, le ressentiment de larges pans de la masse populaire et la déliquescence des chapelles traditionnelles intra-muros.

 

Entre choix cornélien et schizophrénie

Du côté d’un bon nombre de personnes qui s’annoncent volontiers candidats potentiels, il y a un hic. Dans leur écrasante majorité, ils considèrent mordicus que le président Kais Saïed a été l’auteur d’un coup d’Etat le 25 juillet 2021. Du coup, elles avaient appelé au boycott du référendum sur la nouvelle Constitution, à leurs yeux nulle et non avenue, et des élections législatives et régionales qui s’ensuivirent en 2022 et 2023. Or, aujourd’hui, elles s’adossent à la Constitution tant décriée pour se présenter à la présidentielle. De quoi souscrire en toute logique que du choix cornélien à la schizophrénie il n’y a qu’un pas.

Bien évidemment, ici aussi, les Tunisiens ne sont pas dupes des arguments et faux-fuyants légitimant cette volte-face à 180 degrés. Le pouvoir politique séduit et la dignité présidentielle fascine. Il n’y a pas d’autre explication, malgré les discours en trompe-l’œil et autres considérants légitimateurs.

Quelles que soient les motivations des uns et des autres, on doit s’en tenir aux faits. Et le faisceau d’indices indique bien que la bourse des valeurs électoralistes bout comme un chaudron à la veille d’une bulle.

Entre-temps, considérés les uns par rapport aux autres, on constate chez beaucoup de candidats potentiels ou déclarés une auto-glorification de soi et un déni des autres candidats. C’est comme dans la chanson de notre prime jeunesse : “Qu’est-ce qu’il fait, qu’est ce qu’il a qu’est-ce que celui-là ? Complètement toqué ce type-là, complètement gaga… Il a une drôle de tête ce type-là, il a une drôle de voix. On va pas se laisser faire les gars !”

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