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Agriculture : L’anticipation climatique, une nécessité stratégique

Pr Hassan GHEDIRI

Alors que les menaces climatiques s’intensifient, le renforcement du dispositif national de prévision climatique apparaît non plus comme un luxe technologique, mais comme une nécessité stratégique.


Dans un pays aussi exposé que la Tunisie aux aléas climatiques l’anticipation devient une arme vitale pour la survie du secteur agricole et pour la résilience alimentaire. Sécheresses récurrentes, pluviométrie irrégulière, canicule et tempête de grêle sont des phénomènes météorologiques qui affectent grandement le rendement agricole et imposent le renforcement des mécanisme de prévention et de réponse. Et c’est justement dans cette optique que s’inscrit le projet de réhabilitation du dispositif de prévision climatique mis en œuvre dans le cadre du programme ProSol (Protection et réhabilitation des sols dégradés), en partenariat avec la Coopération allemande (GIZ) et le ministère de l’Agriculture.
Ce projet vise à remédier à une lacune de taille, en l’occurrence la fragmentation et le manque d’actualisation du système national de collecte et de diffusion des données climatiques. Un audit effectué par un bureau d’études dans le cadre du projet ProSol,, a fait ressortir que les informations issues d’une trentaine de stations météo disséminées sur le territoire national étaient incomplètes, difficilement accessibles, et souvent inexploitées. Un paradoxe dans un pays où l’agriculture, principale consommatrice d’eau, est particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique.
Un inventaire mené par le même bureau d’études, a révélé par ailleurs que certaines stations étaient hors service et que les données collectées ne bénéficiaient ni de traitement centralisé ni de diffusion structurée. Pour y remédier, un chantier d’automatisation a été lancé, s’appuyant sur deux plateformes numériques exploitant une trentaine de stations climatiques, en l’occurrence la plateforme nationale «ActaCloud» gérée par la direction générale de l’aménagement et de conservation des terres agricoles et la base de données internationale FieldClimate, une plateforme payante à laquelle la Tunisie est abonnée par le biais de la direction générale du génie rurale et d’exploitation des eaux.

Automatisation
Grace au projet ProSol, a été alors entamée le réaménagement du dispositif de collecte et de vulgarisation des données climatiques au profil des opérateurs agricoles. L’objectif consiste à automatiser les opérations de collecte et de diffusion des données climatiques par le bais en développant l’interopérabilité entre les stations climatiques réparties sur l’ensemble du territoire national et la plateforme Agridata qui est le portail de données ouvertes du ministère de l’agriculture.  Désormais les données de 27 stations climatiques accessible via ActaCloud et FieldClimate sont rendues accessibles en temps réel sur Agridata. Les données diffusées par cette plateforme incluent la température, l’humidité, la pluviométrie, la pression atmosphérique, ainsi que la vitesse et direction du vent. C’est-à-dire les éléments fondamentaux de toute planification et mise en œuvre des activités agricoles (irrigation, traitement phytosanitaire ou encore la prévention des incendies).
Ce système modernisé de veille climatique ne sert pas uniquement les chercheurs ou les administrations. Il constitue désormais un instrument décisif d’aide à la décision pour les agriculteurs qui peuvent désormais programmer et modifier leur calendrier de semis, le choix des cultures et la mise en place des équipements de conservation de l’eau et des soles en fonction des prévisions climatiques.  Il s’agit aussi d’un outil stratégique pour les autorités nationales pour repenser et adopter leurs politiques au climat. À terme, la maîtrise de ces données permettra de renforcer la résilience du pays face aux chocs climatiques et de mieux protéger la sécurité alimentaire des citoyens.
Plusieurs pays comme le Maroc, l’Inde ou le Kenya, ont depuis longtemps investi dans la vulgarisation des données agro-météorologiques pour soutenir leur agriculture, la Tunisie se rattrape dans ce domaine mais beaucoup reste à faire pour garantir la durabilité et l’efficience des données climatiques, notamment à travers l’élargissement du réseau de stations, la formation des utilisateurs, et le renforcement de la coordination entre les différents organismes producteurs de données. Le renforcement du dispositif national de prévision climatique n’est plus un choix, mais comme une obligation stratégique.

H.G.

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