Le gouvernement vient de dépoussiérer une réforme fiscale décrétée depuis neuf ans. Dans le Journal Officiel n°125 du 14 octobre 2025, un décret du ministère des Finances vient en effet de lever le voile sur un décret gouvernemental qui date du mois de novembre 2019 fixant les modalités pratiques de la mise en place de la caisse enregistreuse pour les services de consommation sur place.
Tout a néanmoins commencé un peu plus tôt, en 2016, lorsque la direction générale des impôts a annoncé qu’en vertu d’une disposition prévue dans la loi de finances de la même année, il a été décidé de rendre obligatoire pour tous les commerçants prestataires de services de consommation sur place de s’équiper de caisses enregistreuses.
Cette disposition visant à circonscrire la fraude fiscale devait normalement prendre effet à compter du 1er juin 2016 dans un certain nombre de commerces avant d’être généralisée selon un calendrier progressif.
L’objectif étant de renforcer et moderniser le contrôle et la lutte contre la fraude fiscale qui constitue un manque à gagner colossal pour l’État en instaurant un système de déclaration des recettes transparent et vérifiable, et d’obliger les commerçants à respecter leurs obligations légales envers l’administration fiscale. Cette réforme n’a toutefois pas dépassé le stade des bonnes intentions et s’est avérée sans lendemain dans sa version initiale initiée par l’ancien ministre des Finances, feu Slim Chaker.
Après toutes ces longues années et des pertes fiscales qui se chiffreraient à plusieurs centaines de millions de dinars, l’exécutif décide enfin d’appliquer cette disposition. Une décision qui ne manquera sans doute pas de susciter des réactions très divergentes et d’enflammer le débat sur le sacro-saint principe de la justice fiscale en Tunisie.
En attendant qu’elle soit véritablement implémentée et que tous les commerçants concernés par cette réforme obéissent aux nouvelles obligations, l’on jugera déjà que ce ne sera qu’une étape importante certes, mais insuffisante pour la concrétisation de l’équité fiscale dans notre pays. Mais comme le veut l’adage, il vaut mieux tard que jamais.
Une très lourde infrastructure logistique est indispensable pour garantir l’efficience de la déclaration directe et instantanée à l’autorité fiscale, des recettes réalisées par les commerces offrant des prestations de consommation sur place.
Comme les caisses enregistreuses seront obligatoires à compter du 1er novembre 2025 pour les restaurants touristiques, les salons de thé et les cafés de deuxième et troisième catégories pour se généraliser progressivement jusqu’au mois de juillet 2028, d’autres instruments de contrôle et de traçabilité des revenus doivent être mis en œuvre dans tous les secteurs dans lesquels la fraude fiscale est monnaie courante.
Une véritable justice fiscale en Tunisie nécessite en effet un rappel à l’ordre général qui implique toutes les professions libérales pas tout à fait obéissantes à l’égard de l’autorité fiscale, telles que les médecins, les avocats qui, rappelons-le, se sont violemment dressés contre des projets visant à leur imposer la transparence dans la déclaration de leurs revenus.
Il est impératif pour l’État d’instaurer une véritable égalité devant le devoir fiscal, pierre angulaire de toute politique de justice sociale. Car, tant que certaines professions continueront à se soustraire, en toute impunité, à leurs obligations fiscales, c’est la crédibilité de l’État qui est en jeu.
H.G.