Par Hassan GHEDIRI
Notre pays appartient au rang des pays qui tolèrent la commercialisation des peintures contenant des métaux toxiques qui continuent à être utilisées dans le bâtiment…
Voilà un autre exemple édifiant du manquement des pouvoirs publics à leur devoir de veiller sur la santé publique et d’agir contre tout ce qui pourrait représenter un danger pour la population et les générations futures. Malgré de nombreux appels lancés ces dernières années par des ONG pour alerter contre la commercialisation sur le marché national des peintures contenant des substances particulièrement nocives pour la santé et l’environnement, l’Etat hésite à prendre des mesures radicales.
C’est en effet ce qui ressort d’un communiqué diffusé, hier, par l’Association tunisienne pour l’information du consommateur (IOTIC) dans lequel elle exprime sa profonde déception et sa désapprobation quant aux retards répétés dans la publication d’un décret interdisant la fabrication de peintures au plomb en Tunisie. Ledit décret est supposé être la réponse juridique à des infractions aux règles sanitaires et environnementales dans l’industrie de peinture en Tunisie.
Fruit de la lutte menée par les ONG, le texte qui tarde à voir le jour fait, tardivement, écho à la publication, en 2013, des résultats accablants sur la présente du plomb dans la peinture bâtiment fabriquée et commercialisée en Tunisie.
Selon l’enquête menée en 2013 par l’Association de l’éducation environnementale pour les futures générations (AEEFG) en collaboration avec le programme des Nations unies pour l’environnement (PNUD), la teneur du plomb dépasse largement le niveau tolérable dans 30 marques étudiées commercialisées sur le marché local. Les échantillons étudiés ont révélé des taux des centaines de fois supérieurs aux seuils tolérés.
Cela montre que la Tunisie fait partie des pays où l’utilisation de la peinture au plomb dans les foyers et les bâtiments à usage public, tels que les écoles, est autorisée.
L’alerte lancée par l’OTIC ressemble en effet à un appel à l’ordre adressé à tous les acteurs concernés par ce problème d’autant plus que la Tunisie, à l’instar de la communauté internationale, s’apprête à célébrer la semaine internationale de prévention de l’intoxication au plomb qui aura lieu du 19 au 25 octobre. Cet évènement international rappelle à travers son slogan qu’il n’existe pas de niveau d’exposition sûr au plomb.
73 pays
Les autorités tunisiennes doivent alors agir en urgence pour édifier les restrictions légales et réglementaires nécessaires à même d’harmoniser les normes tunisiennes avec les standards internationaux en ce qui concerne la composition des peintures fabriquées ou commercialisées en Tunisie et utilisées dans le bâtiment public et résidentiel.
Il y a lieu de noter par ailleurs que dans le monde, seulement 73 pays auraient adopté des instruments juridiques instaurant des restrictions sur la production, l’importation et la commercialisation de la peinture contenant du plomb, et ce, d’après des enquêtes faites par le PNUD en 2019.
Pour la Tunisie, toujours d’après l’OTIC, les autorités hésitent encore à prendre des mesures drastiques d’autant plus qu’en 2022, soit neuf ans après les résultats accablants divulgués par l’AEEFG, une autre étude a fait état d’une concentration de plomb toujours très élevée dans la majorité des marques de peintures commercialisées dans notre pays, dépassant parfois 170 000 parties par million (ppm) contre une valeur limite fixée dans le monde à 90 ppm.
Et l’OTIC de souligner dans son communiqué que, de nos jours, il est devenu techniquement possible de fabriquer des peintures sans plomb, tout en respectant les normes internationales et les exigences de durabilité et de performance. D’ailleurs, il y a des fabricants tunisiens qui ont pu développer leurs capacités techniques en adoptant les technologies qui permettent de produire des peintures conformes aux standards de sécurité.
D’où la nécessité pour les autorités de rattraper leur retard et d’imposer le respect des normes à travers la publication du décret qui redéfinit les valeurs limites et fixe les substances chimiques prohibées dans la fabrication de peintures.
Le projet de décret préparé par le ministère de l’Environnement, et qui dort depuis dans les tiroirs, est censé combler ce que beaucoup considèrent comme un vide juridique puisqu’il suggère de prohiber l’ajout de pigments, de colorants et d’additifs contenant du plomb dans les peintures destinées au bâtiment, aux véhicules, aux meubles et à d’autres usages décoratifs.
H.G.