Par Hassan GHEDIRI
Après des années d’hésitation durant lesquelles beaucoup de métiers de commerce ont fait de gros bénéfices en utilisant «illégalement» les produits subventionnés, la fin du désordre est décrétée…
Ceux qui fréquentent régulièrement les grandes surfaces devaient remarquer l’abondance de certains produits qui faisaient l’objet de tensions très importantes voire de pénuries répétées jusqu’à très récemment. Il s’agit notamment du lait demi-écrémé destiné à la consommation des ménages dont les quantités mises sur le marché devaient normalement chuter de manière drastique en cette période qui coïncide avec la basse lactation dans la filière laitière. Pour justifier le manque de lait en quantités suffisantes qui se fait remarquer dans le marché presque chaque année à partir de l’automne, les professionnels du secteur ont toujours évoqué l’argument de la baisse cyclique de la productivité qui dure théoriquement environ cinq mois (de septembre jusqu’à février). Ce phénomène a été constaté en 2023, l’année durant laquelle le lait est devenu un véritable casse-tête pour la plupart des ménages tunisiens, et ce, à cause d’un déséquilibre considérable entre l’offre et la demande.
Le sucre c’est l’autre denrée qui continue à susciter les tensions dans les commerces à cause des pénuries chroniques résultant, apparemment, des difficultés de la trésorerie de l’Etat qui retardent l’approvisionnement depuis l’étranger. Ces deux produits, à côté des céréales destinées à la fabrication du pain et des pâtes alimentaires, appartiennent au groupe de denrées alimentaires que l’Etat subventionne chaque année à coup des milliards. Pour ce qui est du lait, l’Etat a par exemple prévu 524 millions de dinars de charges de compensation. Ce montant devait normalement bénéficier aux ménages, mais d’aucuns savent aujourd’hui que la grande partie du lait demi-écrémé commercialisé dans notre pays est utilisée dans plusieurs activités commerciales qui profitent indirectement et illégalement de la compensation pour augmenter leur marge de bénéfices.
Bien contrôler
Comme nous l’avons déjà annoncé sur nos colonnes au mois de novembre dernier, l’Etat a décidé de prendre le taureau par les cornes et de mettre fin à l’hémorragie causée par l’utilisation illicite des produits alimentaires subventionnés. En attendant que cette action se généralise pour encadrer l’usage du gaz liquéfié (GPL) subventionné dans les commerces, c’est l’utilisation professionnelle du lait et du sucre qui commence désormais à être régularisée. Depuis quelque temps, le sucre destiné à l’usage professionnel, comme les cafés et les pâtisseries, commence à être vendu au prix réel dans un emballage spécial. Dans les rayons de plusieurs enseignes de la grande distribution l’on peut désormais trouver des sacs de sucre estampés «A usage professionnel » à 2d900 le kilo. Idem pour le lait destiné aux cafés fabriqué à base de poudre du lait qui est aujourd’hui commercialisé dans un emballage spécifique à 2d350 le litre. C’est donc un premier pas que le gouvernement franchit sur le long parcours de la réforme de la compensation selon la nouvelle vision politique adoptée par l’Etat et qui s’oriente vers l’équité et la justice sociale. La vérification de l’utilisation des produits subventionnés pour les fins auxquels ils sont affectés nécessite toutefois l’affectation des moyens matériels et humains nécessaires à même d’assurer un contrôle efficace et régulier de l’ensemble des commerces et des circuits de distribution. L’Etat doit ainsi œuvrer à mettre en place les mécanismes permettant d’intensifier les opérations de contrôle de l’écoulement des produits subventionnés et à réprimer les infractions commises dans ce cadre afin de garantir l’acheminement de la compensation vers ceux qui y sont éligibles et de parer à l’utilisation des produits subventionnés autrement que dans leur affectation initiale.
H. G.