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Journées théâtrales de Carthage : Une rencontre de géants, entre hommages et nouveaux Horizons

Par Imen Abderrahmani 

 

Qu’est-ce que le théâtre et pourquoi continue-t-il d’être nécessaire ? Cette question, au cœur de la nouvelle édition des Journées théâtrales de Carthage, trouve un écho puissant dès l’ouverture du festival et se prolonge à travers l’ensemble de la programmation, jusqu’au volet « Le théâtre de la liberté ».

 

Le théâtre, selon Artaud, est un art qui révèle l’invisible, un miroir où se dévoilent des vérités profondes. Pour Brook, il devient l’espace d’une rencontre intime, où l’émotion et l’idée se partagent. Ionesco y voit un affrontement avec le vide de l’existence, tandis que Wilson parle de vérité en action, où les personnages deviennent des témoins de leur monde. Vilar, lui, le perçoit comme un miroir de la société, une scène où s’exposent les fractures humaines. Entre poésie et rébellion, le théâtre est ce lieu où l’âme se confronte à sa réalité, où l’individu et la collectivité se rencontrent dans un tourbillon d’émotions et de réflexions.

Qu’est-ce que le théâtre ? Bien que cette question suscite un débat riche et ouvert, la plupart des artistes s'accordent sur l'idée d'un théâtre de résistance, de réflexion et d'éveil, qui interroge une multitude de sujets, allant du social au politique, de l’esthétique à l’écologie, et même à l’économie.

Avec ce bouquet de spectacles que proposent les JTC, cette question trouve un écho dans les différentes sections, à commencer par la cérémonie d’ouverture où le théâtre devient synonyme de reconnaissance, de mémoire, de relève… Ils ont été nombreux à défiler sur la scène du Théâtre de l’Opéra (Cité de la culture), le samedi soir, pour recevoir un Tanit d’honneur pour l’ensemble de leurs carrières, pour des années vouées au 4ème art, pour leur esprit de partage et pour des contributions qui ont marqué les esprits et qui ont aidé au développement de la pratique théâtrale. Ainsi, Dans un élan de mémoire et de reconnaissance, les Journées théâtrales de Carthage ont rendu hommage, cette année, à des figures emblématiques du théâtre qui nous ont quittés, des créateurs dont l’œuvre a marqué l’histoire de la scène arabe et tunisienne. Fethi Haddoui, Anouar Chaafi, Mohamed Fadhel Jaziri, Fraj Chouchane, Ahmed Hadhek El Orf, Abir Jebali, Salah Bourjini, Amara Melliti, Mokhtar Mlayeh, Mohamed Ali Belhareth et Taoufik Hammami ont été salués pour leur créativité et leur engagement, ayant tous contribué à enrichir la scène théâtrale avec des vies nourries de passion et de travail.

Dans la même lignée, la cérémonie a également honoré ceux qui continuent d’enrichir le théâtre arabe, africain et tunisien : Latifa Ahrar (Maroc), Imed Mohsen Ali Chanfari (Sultanat d’Oman), Abderrahman Kamaté (Côte d’Ivoire), ainsi que des figures tunisiennes comme Slim Sanhaji,Ali Khémiri, Leila Rezgui, Fathi Akkari, Lazhar Sebaï et Hédi Boumiïza. Ce dernier, qui a été particulièrement salué, incarne un symbole de la technique théâtrale tunisienne, à qui le directeur Mohamed Mounir Argui a rendu hommage en saluant aussi les techniciens qui, dans l’ombre, assurent la réussite des JTC. Un hommage à la fois émouvant et porteur d’un message de continuité pour un théâtre toujours vivant, riche de ses héritages et de ses générations.

La rencontre des géants

Le choix de « Rêve(s)… Une comédie noire » de Fadhel Jaïbi et Jalila Baccar s’impose comme un coup de maître et un message fort de la part du Comité directeur des Journées théâtrales de Carthage. En mettant en lumière cette création tunisienne, le festival rend hommage à un duo qui a profondément marqué la scène artistique, tant en Tunisie que dans le monde arabe. Jaïbi et Baccar ne sont pas seulement des créateurs, mais véritables pionniers qui ont su fonder une école théâtrale, alliant rigueur artistique et engagement social, et dont l’œuvre continue d’inspirer et de faire réfléchir les nouvelles générations. Jouée à guichets fermés, l’œuvre sera certes l’événement de cette saison culturelle.

Le deuxième grand moment d'une ouverture qui restera gravée dans les mémoires a été sans conteste ce « Roi Lear » égyptien, porté par le talentueux Yahia Fakharani, qui a enchanté le public du Théâtre de l'Opéra lors de cette unique représentation de trois heures. Malgré une vague de froid, les spectateurs, impatients de découvrir cet artiste légendaire, ont répondu présents, fascinés par un acteur de plus de 80 ans qui continue de briller sur les planches et de ravir les amateurs de théâtre. La salle, d'une capacité de 1 200 places, a affiché complet, témoignant de l'engouement et de l'admiration que suscite Fakharani dans le public tunisien. Longuement applaudi par le public, l’artiste a été récompensé par un Tanit d’honneur en reconnaissance de l’ensemble de sa carrière.

Les deux spectacles d’ouverture ont offert une véritable leçon, tant sur le plan théâtral qu’humain, en incarnant avec passion et dévouement l’essence même de la création artistique. Chaque performance a été un témoignage vivant de l'engagement des artistes, qui ont su mêler maîtrise technique et émotion brute pour toucher le cœur du public, tout en célébrant la puissance du théâtre comme vecteur de réflexion, de résistance et de lien humain.

Imen.A.

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