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Flash-Grippe (3/3) : L’automédication sous la loupe du Dr Abdennadher

Par Abir CHEMLI

Attraper le virus de la grippe n’est sûrement pas une sinécure ! Les heures qui suivront l’incubation sont souvent dures à endurer ! Ceci légitime-t-il pour autant qu’on jette notre dévolu sur les antibiotiques ?
Le Dr Melek Abdennadher, médecin généraliste de première ligne, nous donne la réponse. D’ailleurs, il n’y va par quatre chemins. Et à la question « est-ce légitime d’opter pour des antibiotiques pour combattre une grippe ? » il a répondu « Niet ! »
 

« Non, et c’est catégorique ! »
« Non parce que les antibiotiques sont faits pour combattre les maladies bactériennes et la grippe est une maladie virale ! Donc non seulement l’antibiotique n’aura jamais aucun effet sur un virus, mais il risque de compliquer et d’aggraver l’état de santé du patient à long terme », nous-a-t-il dit d’emblée. Et d’expliquer : « plusieurs de nos concitoyens, que Dieu les garde, croient à tort que si un antibiotique a pu alléger les maux du voisin, ils peuvent alors en faire de même pour être soulagés d’un mal qui leur semble identique ! Ils zappent donc souvent l’étape de la consultation et du diagnostic et se dirigent directement à la pharmacie pour acheter de leur tête le médicament prescrit par "le voisin" !


Or, le fait de prendre des antibiotiques risque d’avoir de lourdes conséquences. Seul le médecin est à même de savoir si la maladie de son patient est bactérienne ou virale. C’est l’affaire exclusive du médecin puisqu’il a les outils et le savoir professionnels qu’il faut pour faire la différence entre les deux maladies et prescrire le traitement qu’il faut à chacune d’entre elles. Pourquoi est-ce que les médecins ne cessent de tirer la sonnette d’alarme quant à la prise hasardeuse des antibiotiques ? demandera-t-on ? C’est parce que si on prend des antibiotiques alors qu’on ne souffre pas de maladie bactérienne, l’antibiotique ne sera pas sans effets néfastes ! L’antibiotique est « programmé » pour trouver des bactéries et les attaquer ! Malheureusement, il s’attaquera donc aux bactéries inoffensives qui existent tout bonnement dans notre corps. Ces bactéries « cohabitent de façon pacifique » dans le corps humain sans le rendre malade. Donc, si l’antibiotique est pris sans qu’il n’y ait de maladie bactérienne et infectieuse, il s’attaquera aux bactéries bénéfiques. Dès lors toutes les bactéries bénéfiques sensibles à cet antibiotique mourraient et seules celles résistantes vont survivre. Mais elles ne vont pas que résister et survivre ! Elles vont se reproduire en grande quantité. Et le jour où le sujet souffre d’une infection bactérienne de la même famille et qui nécessite une prise médicamenteuse d’antibiotique, cet antibiotique-là n’aura plus aucun effet sur la bactérie car elle a fait en sorte de développer une résistance. Plus encore, si cet antibiotique-là a été utilisé abusivement, le sujet aurait perdu à vie son effet ! Le médecin devrait alors se réveiller de bonne heure pour trouver un autre antibiotique auquel la bactérie n’est pas résistante. Chose qui n’est pas toujours facile surtout si le sujet prend différents antibiotiques à tort et à travers ! Le patient développera ainsi une résistance bactérienne à multiples antibiotiques ! Le médecin aura beau travailler d’arrache-pied, il ne trouvera plus « l’arme » adéquate à même de lutter contre une maladie bactérienne.

La Tunisie : 2ème pays consommateur d’antibiotique !
C’est vraiment malheureux de le dire, mais la Tunisie est le deuxième pays au monde en termes de consommation des antibiotiques, précise notre interlocuteur. Et d’ajouter : « il s’agit là d’un véritable danger de santé publique car nous risquons de perdre des vies à cause d’une maladie bactérienne à laquelle on ne trouve aucun antibiotique capable d’agir puisque le sujet a développé une résistance à multiples antibiotiques à cause de sa consommation abusive. D’ailleurs je cautionne l’interdiction de la vente libre des antibiotiques lesquels ne devraient être commercialisés que conformément à une ordonnance médicale et après que le médecin ait dressé son diagnostic.


Résistons !
« Les médecins ne devraient pas céder à la pression de certains patients qui exigent et insistent à ce qu’on leur prescrive un antibiotique ! Il est de notre devoir en tant que médecins d’éduquer le patient, de l’informer et de bien lui expliquer les dangers qu’ils encourent lors de la prise en charge. Il est de notre devoir de lui accorder du temps et une explication pour le convaincre, tout comme il est de notre devoir de lui dire « non » si cela est dans son intérêt. Et ceci doit être notre crédo à tous ! Ainsi, même s’il veut opter pour un deuxième avis, ce qui est de son entier droit, il écoutera la même chose. Car il est de notre noble devoir d’expliquer que l’antibiotique qu’il veut n’est pas adapté à une maladie virale. Dès lors, le patient finira par comprendre et par être convaincu que c’est pour son bien et pourquoi ça l’est. Mais si on ne prend pas la peine de lui expliquer et qu’on le caresse toujours dans le sens des poils juste pour ne pas le perdre comme patient, là nous ne le servons pas et nous entravons même l’éthique du métier ! Et comme l’ont toujours si bien répété nos imminents professeurs en médecine : pour les maladies courantes, il ne faut jamais prendre d’antibiotiques sans avis médical ! Je profite alors de l’occasion pour relancer à mon tour l’appel : il ne faut jamais prendre d’antibiotique sans avis médical et il ne faut jamais donner d’antibiotiques juste à la demande du patient. Le cas échéant la Tunisie ne disposera plus d’antibiotique pour combattre les maladies graves puisque les résistances aux antibiotiques se présente de plus en plus comme un fléau réel chez nous. Ceci l’est doublement parce que toute bactérie résistante est passible d’engendrer une contagion. Plusieurs cas arrivent jusqu’au service de réanimation et lorsque nous faisons une culture pour chercher à quel genre d’antibiotique la bactérie dont le sujet souffre peut –elle bien être sensible, on trouve souvent hélas qu’elle est résistante à tous les antibiotiques dont on dispose dans tous nos hôpitaux ! Le patient finit par mourir par une maladie qui aurait très bien pu être traitée par un antibiotique si le sujet n’en avait pas abusé auparavant ! On le regardera mourir complètement désemparés et désarmés ! Alors de grâce, aidez-nous à vous soigner, laissez-nous des armes en mains pour sauver vos vies, parce chaque vie humaine compte énormément pour nous ».

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