Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
Les USA veulent conditionner leur aide à la Tunisie à « des progrès en matière de démocratie ». la Tunisie, obéira-t-elle à la volonté du gendarme du monde ?
Pendant que les dispositifs du texte « le Safeguarding Tunisian Democracy Act (S.2006), introduit au Sénat en juin 2023 » sont en passe d’être activés, certains observateurs estiment que les USA, au vu de ce qui se passe à Gaza, n’ont plus le droit d’imposer leur volonté en matière de démocratie et encore moins de donner des leçons aux autres nations concernant le respect des droits de l’Homme et de liberté d’expression. Mais de quoi s’agit-il dans ce texte et quels sont ses effets économiques et politiques sur la Tunisie ?
« L’initiative remonte au 16 juin 2023 : deux sénateurs américains de premier plan, le républicain Jim Risch et le démocrate Bob Menendez, déposaient au Congrès un texte inédit : le Safeguarding Tunisian Democracy Act. Cette proposition de loi, fruit d’un consensus bipartite rare dans le climat politique polarisé des États-Unis, visait à conditionner une partie de l’aide économique et sécuritaire accordée à la Tunisie à des progrès tangibles en matière de démocratie et de respect des droits fondamentaux», peut-on lire dans un article publié sur le site Courrier de l’Atlas. « En d’autres termes, face à ce qu’elle appelle «des reculs démocratiques constatés en Tunisie», Washington veut conditionner son aide économique et sécuritaire à ce que les Américains appellent également « des progrès en matière de démocratie constatés en Tunisie », nous dira l’avocat Me Houssem Eddine Ben Atiya. Et d’ajouter : « Je pense que l’une des réponses les plus percutantes à cette initiative est celle du politologue à Harvard, Steven Levitsky, qui a lancé un cri d’alarme en indiquant dans une interview accordée le 6 juillet dernier que les Etats-Unis, à cet instant, ne sont plus une démocratie. Alors, un non-démocrate ne peut pas donner des leçons aux autres ».
Ingérence rejetée …
Alors que l’initiative en question a épargné la société civile de ces sanctions, paradoxalement, c’est cette même société civile qui a exprimé son rejet de toute forme d’ingérence dans les affaires intérieures du pays. En effet, profitant de la manifestation organisée par l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) le 21 août dernier, le sénateur américain Joe Wilson a qualifié cette marche de « l’une des plus grandes manifestations de protestation ayant éclaté en Tunisie depuis plusieurs mois ». Réaction immédiate de la Centrale syndicale, un communiqué relayé par le site Business news, dans lequel le bureau exécutif a dénoncé toute tentative d’utiliser son nom ou ses mobilisations «comme prétexte à une ingérence étrangère dans les affaires intérieures tunisiennes». La centrale a rappelé son rôle historique dans la lutte nationale pour l’indépendance et ses sacrifices, notamment avec l’assassinat du leader Farhat Hached. Elle affirme avoir toujours résisté aux « plans coloniaux et impérialistes » et aux politiques d’oppression, rejetant toute remise en cause de son attachement à la patrie. L’organisation syndicale insiste sur le lien indissociable entre souveraineté nationale, démocratie, libertés et justice sociale, affirmant que l’avenir de la Tunisie « ne peut être décidé que par les Tunisiennes et les Tunisiens eux-mêmes, loin de toute tutelle étrangère ». Mieux encore, l’UGTT a regretté le silence des autorités tunisiennes face aux nouvelles déclarations du sénateur américain, appelant l’Etat à exprimer une position claire condamnant ces ingérences et à défendre sans ambiguïté la souveraineté nationale.
Officiellement, la position de la Tunisie est exprimée par les multiples interventions du chef de l’Etat, Kais Saied, qui ne cesse de marteler que « la Tunisie n'est ni une ferme ni un verger », rappelant que « ces parties montrent de l'inquiétude quand cela les arrange, mais ne s'alarment pas, en regardant leur réalité actuelle, plutôt que leur passé ».
M.B.S.M.