Par Chokri Baccouche
Entre le président américain Trump et le nouveau maire de New York, Zohran Mamdani, la vie n’a jamais été un long fleuve tranquille. Les deux hommes n’ont jamais caché l’animosité qu’ils vouent l’un pour l’autre et qu’ils n’hésitent pas à exprimer par intermittence à coups de déclarations fracassantes dans les médias ou sur les réseaux sociaux.
Tout au long de sa campagne électorale, le locataire de la Maison Blanche n’est pas allé de main molle pour détruire la carrière politique de celui qui allait devenir le premier maire « socialiste démocrate » musulman de la plus grande ville américaine, le qualifiant de communiste et affirmant qu’il détruirait New York. Il a même apporté son soutien à son adversaire démocrate Andrew Cuomo à la dernière minute.
La même antipathie se vérifie également de l’autre côté de la barrière : Zohrane Mamdani, qui n’a jamais porté en odeur de sainteté Donald Trump, se plait à traiter ce dernier de « despote fasciste ».
Aussi surprenant que cela puisse paraitre, la rencontre entre les deux hommes, qui a eu lieu vendredi dernier à la Maison Blanche, s’est déroulée dans une ambiance très cordiale qui a surpris les observateurs. En effet, Donald Trump y a donné l’impression d’avoir enterré la hache de guerre et s’est dit même « convaincu » que son hôte « ferait du bon travail » tout en exprimant son souhait de le voir réussir.
Cette volte-face du président américain est justifiée, selon les observateurs avertis, par des raisons à la fois psychologiques et politiques. Plus exactement, Trump, dont la cote de popularité est au plus bas ces derniers temps, voulait être perçu comme l’allié de Mamdani et non comme son ennemi.
En réservant un accueil chaleureux à un hôte qu’il détestait pourtant comme jamais, le président américain fait preuve d’une hypocrisie calculée lui permettant en réalité de ne pas s’aliéner davantage une opinion publique de plus en plus hostile à son égard.
Une grande majorité d’Américains s’oppose en effet aux politiques impopulaires de Trump, à sa « corruption », à son indifférence face à leurs difficultés économiques et à ses dépenses faramineuses dignes de Crésus dont les dernières en date concernent le fameux projet pharaonique controversé visant la reconstruction de l’aile est de la Maison Blanche.
Autant le fantasque Trump fait preuve de duplicité dans l’espoir de remonter la pente dans les sondages à l’approche des élections de mi-parcours prévues début 2026, autant Zohran Mamdani conforte auprès de ses électeurs et des citoyens américains l’image d’un homme à principes, franc et direct, qui dit ce qu’il pense et qui pense ce qu’il dit, sans détour ni ambages.
Une qualité rare chez les politiciens qui le propulse d’ailleurs parmi l’élite très appréciée du public dans une Amérique qui traverse une grave crise économique et sociale. Interrogé sur ses critiques passées lors d'une entrevue accordée à l'émission Meet the Press tournée samedi dernier, le maire élu de New York a déclaré que ses opinions restaient inchangées. « Je maintiens tout ce que j'ai dit par le passé, a-t-il indiqué.
Et c’est ce qui, je crois, est important en politique: nous n'hésitons pas à aborder les sujets qui nous divisent, mais nous comprenons ce qui nous amène à nous asseoir autour de la table. Je ne suis pas entré dans le bureau ovale pour imposer mon point de vue ou prendre position. Je suis entré là pour agir au mieux des intérêts des New-Yorkais.» Qu’un accueil cordial lui ait été réservé à la Maison Blanche ou pas, Zohran Mamdani n’en a cure et maintient donc le même avis qu’il porte sur Donald Trump.
Sa position reflète à la fois une certaine inflexibilité mais également la force de caractère d’un politicien digne qui tranche avec le comportement dégradant des laudateurs et des thuriféraires, nombreux dans l’actuelle administration U.S et très appréciés du reste par le président américain. Interrogé il y a quelques jours s’il maintenait toujours sa position selon laquelle Israël commet un génocide à Gaza, Zohran Mamdani a répondu également par l’affirmative réitérant ainsi le même avis sur la question qui avait déjà suscité de vives réactions et des applaudissements en octobre 2025 lors d'une apparition télévisée.
Zohran Mamdani justifie sa position en se basant sur les faits et le droit international, soulignant que des experts considèrent ce terme comme approprié pour décrire la situation, avec des dizaines de milliers de Palestiniens tués.
Toujours droit dans ses bottes quand il s’agit de défendre les causes justes et le droit international, le nouveau maire de New York s’est retrouvé tout récemment au cœur d’une nouvelle controverse après avoir critiqué une conférence organisée dans une synagogue new yorkaise par l'association Nefesh B'Nefesh, qui encourage l'immigration juive vers Israël.
"Les lieux saints ne doivent pas être utilisés pour promouvoir des activités contraires au droit international", a déclaré une porte-parole de Mamdani. C’est ce qu’on appelle un uppercut direct, clair, net et sans bavures dans le jargon du Noble Art. Monsieur le maire brise en fait un sacré tabou à New York, la plus grande ville américaine considérée jusque-là comme la chasse gardée et le fief des puissants lobbies sionistes.
Chapeau bas pour cette audace et cette intelligence politique pointue qui manquent cruellement, malheureusement, chez la plupart des dirigeants arabes surtout quand il s’agit de défendre leurs causes et leurs intérêts dont notamment la noble et juste cause palestinienne…
C.B.

