Par Chokri Baccouche
Un méga-scandale de corruption ébranle, ces derniers jours, les plus hauts sommets de l’Etat ukrainien. Au moment où la guerre qui oppose Kiev à la Russie continue à faire rage, des amis et des proches du président Volodymir Zelensky s’adonnent à un pillage en règle des ressources du pays. L’Office national anti-corruption leur reproche en effet d’avoir amassé quelque 100 millions de dollars, et ce, en contraignant les fournisseurs de compagnies publiques d’énergie à leur verser des pots de vin. Les enquêteurs révèlent ainsi l’existence d’une véritable organisation criminelle de haut niveau opérant notamment dans les secteurs très lucratifs de l’énergie et de la défense et dont les membres ne ratent aucune occasion pour se sucrer au passage et se remplir illicitement les poches..
C’est ainsi que l’argent censé servir à réparer les centrales et les réseaux électriques endommagés par les bombardements a servi à édifier des villas luxueuses pour les hommes gravitant autour du président ukrainien, dans les villes huppées et les stations balnéaires très réputées en Europe ou ailleurs. Un certain Timour Mendich est le principal instigateur de ce détournement de fonds massif. L’homme est non seulement un proche de Zelensky mais il est également associé dans la société du président ukrainien lorsqu’il était acteur dans une émission de téléréalité. Selon des médias ukrainiens, Mendich s’est fait la malle, deux petites heures avant l’arrivée des agents de la police criminelle venus l’arrêter. Les relations au plus haut niveau de l’Etat servent toujours à quelque chose, diront les mauvaises langues. Mendich se serait réfugié en Israël d’où il ne risque pas d’être extradé, semble-t-il. Au pays du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a lui-même maille à partir avec la justice pour corruption, la solidarité entre ripoux n’est certainement pas un vain mot. Moins chanceux, le ministre de la Justice, Guerman Galouchtchenko, et la ministre de l’Énergie, Svitlana Gryntchouk, tous deux impliqués dans la même affaire, ont dû présenter leur démission, éclaboussant au passage le régime du président Zelensky, déjà en proie depuis quelque temps à une grave crise liée au recrutement de nouveaux contingents militaires.
La guerre en Ukraine qui perdure depuis voilà plus de trois années consécutives a généré des dégâts matériels et humains considérables. On estime à plusieurs centaines de milliers le nombre de soldats des deux camps tués sur le front. Pour combler le manque de plus en plus croissant de combattants, l’état-major de l’armée ukrainienne table sur l’enrôlement urgent de 500 mille nouvelles recrues que les autorités peinent à trouver, et pour cause ! Des centaines de jeunes préfèrent soudoyer des fonctionnaires corrompus en leur versant d’importantes sommes d’argent afin d’obtenir une exemption médicale. Ceux qui n’en ont pas les moyens tentent leur chance de fuir illicitement le pays afin d’éviter d’aller au front. Et entre les deux tendances, certains se barricadent carrément chez eux et évitent de sortir de peur de se faire chopper dans la rue et enrôler de force.
De ce qui précède, on peut déduire que le peuple ukrainien est doublement sanctionné. Pour avoir subi, d’abord, une guerre particulièrement meurtrière et dévastatrice qui aurait pu être évitée si le bon sens et la raison l’avaient emporté sur les velléités guerrières et les calculs mesquins à visée géopolitique de certains protagonistes, étrangers notamment. Et comme si ce drame n’avait pas suffi, voilà que la corruption entre en scène et rajoute une couche aux heurts et malheurs des populations civiles. La corruption, on le sait, est incompatible avec le patriotisme. Dans le domaine politique où elle fait des ravages, elle rime avec népotisme. Que le pays traverse une période difficile ou pas, les personnes qui gravitent autour du cercle restreint du pouvoir profitent un max pour se mettre plein les poches au détriment bien évidemment du reste de la population. Les civils endurent les pires souffrances, les militaires meurent au front par milliers pour défendre quelques kilomètres carrés du territoire national et les politiques ne font que penser à leurs vieux jours à l’ombre d’un cocotier, de préférence, quelque part sur une plage de sable fin en mer des Caraïbes. Le tout avec un solide compte en banque dans un paradis fiscal. Et dire que cette guerre aurait pu être évitée si…
C.B.

