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Editorial : Humaniser la prison - Par Hassan GHEDIRI

Au cours des 72 dernières heures, c’est par excellence sur la justice pénale et les politiques pénitentiaires qu’a été portée l’attention de beaucoup de Tunisiens. Ou, du moins, pour bon nombre de personnes s’intéressant encore aux questions des droits et des libertés. Il n’était pas surprenant, en effet, que les débats soient animés et très controversés et ce pour, au moins, deux raisons.

D’un côté, la polémique qui ne cesse d’enfler autour des conditions d’incarcération de certains prisonniers qui purgent leur peine dans le cadre de l’affaire du « complot contre l’Etat ». Et, de l’autre côté, les réponses données par Leila Jaffel, ministre chargée de la Justice, samedi dernier à l’ARP, lors de la séance consacrée à l’examen du budget de son département.

Nous, ici, nous n’allons pas s’attarder ni sur les accusations formulées par les avocats et familles des prisonniers à l’encontre de l’Etat pour mauvais traitements présumés pour juger de leur authenticité, ni pour mesurer la solidité des arguments avancés par Mme Jaffel dans son démenti de ce qu’elle avait considéré comme des allégations mensongères.

L’idée est de tenter de jeter la lumière sur ce qui devait représenter le défi majeur pour l’administration pénitentiaire en Tunisie et qui mérite d’être placé en tête de ses priorités. Lors de son intervention devant les députés, la ministre de la Justice avait exposé les principales actions auxquelles seront allouées les dépenses prévues dans le cadre du budget de 2026. Le nouveau PLF prévoit, en fait, une enveloppe globale dépassant 1 milliard de dinars au domaine de la justice.

Mais à en croire les chiffres dudit ministère, cet argent sera consacré à plus de 80% au paiement des salaires et aux dépenses courantes contre seulement 6% pour l’investissement. Et justement dans le chapitre « investissement », il est notamment programmé un projet de construction de deux nouvelles prisons à Béja et à Monastir, et ce, en plus du financement d’autres chantiers d’infrastructures pénitentiaires qui concernent la réhabilitation et l’extension des établissements carcéraux.

Le ministère de la Justice aurait également obtenu le feu vert pour de nouvelles embauches et pour combler les déficits constatés dans environ une trentaine de prisons éparpillées un peu partout dans le pays. Au total, 446 geôliers devraient être recrutés. Certes, il est toujours important de construire de nouvelles prisons pour remédier au problème de la surpopulation et d’embaucher de nouveaux gardiens pour mieux veiller sur les prisonniers.

Justement, c’est parce que ses établissements pénitentiaires sont dramatiquement surpeuplés que la Tunisie ne cesse d’être épinglée par plusieurs organisations et instances internationales agissant pour le respect des droits humains en milieu carcéral.

Dans son budget, la ministre chargé de la Justice a prévu des réformes visant à pallier le phénomène d’encombrement en optant pour des alternatives à l’incarcération. Ainsi, l’arsenal judiciaire tunisien doit être renforcé par la surveillance électronique à travers le bracelet comme solution à la prison.

Tout ça, c’est bien beau, mais il semble que l’on a négligé un aspect fondamental qui constitue l’essence même de toute politique pénitentiaire, à savoir assurer la sécurité publique en exécutant les peines, tout en préparant la réinsertion sociale des détenus pour prévenir la récidive. Il n’est un secret pour personne que les prisons en Tunisie manquent grandement à leur mission de prévenir la récidive et ce à parce que l’Etat n’investit presque pas dans des programmes de réinsertion sociale.

Aucune donnée récente n’est disponible aujourd’hui sur le taux de récidive des sortants de prison. En 2018, toutefois, un responsable de la direction générale des prisons et de rééducation (DGPR) a révélé dans un point de presse que 39% des prisonniers tendent à récidiver en Tunisie.

La lutte contre la récidive est une responsabilité qui incombe à toutes les composantes de la société, mais c’est l’administration pénitentiaire, c’est-à-dire l’Etat, qui en assume la grande part, puisque c’est à travers ses choix et ses politiques qu’il humanise ou déshumanise le système pénitentiaire.

H.G.

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