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Editorial : Une croisade qui sent le sans plomb…

Par Chokri Baccouche

Décidément, le président américain Donald Trump fait encore mieux que Lucky Luck, le célèbre cowboy, héros d’une bande dessinée, connu pour être l’homme qui tire plus vite que son ombre. C’est que le locataire de la Maison Blanche est non seulement porté sur les guéguerres, contrairement aux fausses apparences, mais il a également la fâcheuse manie de distribuer à tout va les menaces.

Quand le Grand Manitou américain veut, les « mortels » doivent se plier à ses oukases, de préférence sans broncher, au risque de provoquer son courroux et subir de dures représailles. Sa sérénissime majesté n’a pas la pèche ces derniers jours, à propos. Il est irritable et cherche noise à pas mal de monde.

Il en veut à mourir au président vénézuélien Maduro qu’il traite comme un vulgaire narcotrafiquant. C’est la raison pour laquelle il a jugé bon de dépêcher dans les eaux caribéennes, au large de ce pays d’Amérique latine, une impressionnante armada dans le but inavoué mais clair de chasser le pauvre Maduro du pouvoir.

Pour quelle raison ? Parce que le président vénézuélien est du genre « Che Guevara », le célèbre révolutionnaire cubain qui ne porte pas en odeur de sainteté le capitalisme débridé incarné par un « impérialisme sans scrupule qui se nourrit et se développe au détriment des populations les plus vulnérables ».

En nouant des relations de partenariat très poussées avec la Chine, considérée par les stratèges américains comme la plus grande menace pour le leadership des Etats-Unis dans le monde, Maduro a fini par signer son arrêt de mort politique, aux yeux de la Maison Blanche. La tête du président vénézuélien est d’autant plus mise à prix, au sens propre et figuré du terme, que son pays recèle les plus grandes réserves de pétrole prouvées au monde, surpassant même l’Arabie Saoudite.

Pour Washington, cette manne énergétique inestimable ne doit absolument pas tomber dans l’escarcelle de Pékin pour des raisons qu’on peut d’ailleurs facilement deviner.

De l’Amérique latine, la colère de Donald Trump a débarqué, ces dernières quarante-huit heures,  au Nigeria sur le dos d’un blindé. Sans crier gare, le président américain a menacé, en effet, de s’attaquer à ce pays en réponse à ce qu’il a prétendument qualifié d’«horrible massacre de chrétiens », suite à des informations de dizaines de civils tués lors d’attaques attribuées à des groupes armés dans le nord du pays.

Aïe, aïe le locataire de la Maison Blanche a troqué, pour les besoins de ce nouveau scénario, son costume à 15 mille dollars pour une tenue moins bling bling, inspirée de l’époque médiévale.

On l’aura certainement deviné, il s’agit de la fameuse tenue des croisés avec sa cotte de mailles et son surcot, cette tunique blanche à l’emblème de la croix. Donald Trump, qui s'est positionné comme le champion des chrétiens nationalistes et le défenseur des valeurs judéo-chrétiennes, veut apparemment inaugurer une nouvelle page de la sordide guerre de religions dont il se veut l’incontournable héros.

Fidèle à ses méthodes expéditives, le président américain fait non seulement de la récupération politicienne mais feint d’ignorer également que les groupes armés qui sévissent au Nigeria, dont notamment Boko Haram, s’attaquent aussi bien aux musulmans qu’aux chrétiens. Logiquement donc, le mobile religieux ne tient pas la route et ne peut justifier l’expédition militaire punitive que Donald Trump envisage de mener au Nigeria.

Miroir, miroir, qu’est-ce qui peut bien trotter dans la tête du président américain et que cache en réalité cette fausse guerre de religions ? Pour répondre à cette question avec précision, il faut juste avoir un odorat en bonne santé et sentir l’odeur des hydrocarbures qui embaument l’air au Nigeria, connu pour être le premier producteur de pétrole en Afrique et le pays qui recèle d’importantes réserves d’or noir et de gaz.

Le prétexte des pauvres chrétiens martyrisés et massacrés tombe ainsi dans l’eau… noirâtre et visqueuse… des immenses gisements pétrolifères nigérians.
Après le Venezuela et bientôt le Nigeria, qui est le prochain sur la liste ? Tous les pays du « Sud global » producteurs d’hydrocarbures sont, en fait, des cibles potentielles de la razzia.

La finalité est toujours la même, mais c’est le scénario et le prétexte qui changent. Après l’alibi de la drogue au Venezuela et le faux martyre des chrétiens au Nigeria, Il ne faut pas être surpris outre mesure si des scénarios encore plus invraisemblables soient concrétisés.

C’est ainsi que sont désormais régies les relations internationales sous la houlette de Trump : au mieux, par les pressions et l’intimidation, au pis par le recours à la force. Dans la démesure et l’extravagance. Bienvenue dans le nouveau désordre mondial…

                                                          C.B.

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