Voilà que débute la saison des incendies en Tunisie avec des feux qui se déclarent brusquement dans les bois et les champs de blé. Ne serait-ce que dimanche dernier, plus d’une trentaine d’hectares de céréales sont partis en fumée à cause d’une moissonneuse-batteuse qui a malencontreusement provoqué un départ de feu. Selon un communiqué publié par la Protection civile, l’incendie qui s’est déclaré vers midi a ravagé 35 hectares de céréales dans un champ situé à Béja. C’est le genre du sinistre que tous les céréaliculteurs redoutent énormément lorsque la campagne des moissons coïncide avec la chaleur. Les feux de récoles ont tendance à se multiplier pendant l’été parce que lorsque les épis sont très secs, la moindre étincelle peut facilement provoquer un incendie ravageur. Il suffit qu’une lame de l’engin heurte une roche et c’est l’incendie. Et c’est vrai-semblablement ce qui s’est passé dans ce champ de blé à Béja. Au cours de la semaine écoulée, d’autres incendies s’étaient déclarés également dans ce bassin céréalier avant d’être maîtrisés par les pompiers. Chaque année, des milliers d’hectares d’exploitations agricoles et de forêts sont dévorés par les feux en Tunisie.
Dans un rapport sur le « Climat et le développement » en Tunisie édité par le la Banque mondiale en 2023, il a été estimé que près 200 mille hectares, soit environ 17% de la superficie forestière de notre pays, pourraient être perdus à cause des incendies. Au cours de la dernière décennie, le risque d’incendie s’est en effet multiplié par deux en Tunisie. Les projections climatiques prévoient en effet une diminution du nombre de jours consécutifs de pluie dans l’ensemble du pays. Cela entraî-nera une augmentation des sécheresses qui auront un impact sur l’humidité des sols et donc sur le risque du déclenchement des feux de forêt. Cette année, l’apport de pluviométrie a été positif sur une grande partie du territoire national, particulièrement où se concentre l’essentiel de la production céréalière et quasiment la part la plus importante du couvert forestier.
Déjà, tous les spécialistes croient qu’en raison de ce contexte de réchauffement climatique, l’été 2025 sera très chaud et ce en se référant à des modèles scientifiques fiables. La végétation, qui a agréablement couvert pendant le printemps quasiment toutes les régions du nord, spécialement les zones forestières et agricoles, est aujourd’hui asséchée augmentant considérablement le risque des incendies. Quand, bientôt, s’installera, pour de bon, la saison de canicule, ce sera l’occasion pour constater à quel point les autorités se sont-elles préparées pour affronter l’épreuve des incendies.
La Tunisie ne peut plus se permettre d’aborder la question du réchauffement climatique avec des politiques conjoncturelles. Il ne s’agit pas seulement de préserver des superficies agricoles ou fores-tières, mais bien de défendre un pan crucial de notre souveraineté alimentaire. Les incendies dans les champs de céréales, en pleine période de moisson, risquent de réduire à néant des efforts entiers de production nationale, déjà mis à mal par les aléas climatiques. Dans un pays où la dépendance aux importations de blé est structurelle et coûteuse, chaque hectare détruit par le feu accentue notre vulnérabilité stratégique. Prévenir, surveiller, intervenir rapidement et équiper convenablement les agriculteurs et les services de la protection civile constituent les piliers d’une politique de préven-tion efficiente face aux risques que représentent aujourd’hui le réchauffement climatique pour la Tunisie.
H.G.