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Editorial : Un recensement et des enseignements … - Par Hassan GHEDIRI

L’Institut national de la statistique a rendu publics, samedi 17 mai, les résultats du treizième recensement général de la population et de l’habitat de Tunisie, mené en septembre dernier. Parmi les principaux enseignements à retenir figure l’évolution préoccupante de la structure d’âge de la population tunisienne. Le rapport souligne un affaiblissement progressif de la tranche active, composée des 15 à 59 ans, qui représente aujourd’hui 60,3% de la population totale. Ce pourcentage, bien qu’encore majoritaire, tend à diminuer sous l’effet combiné du vieillissement démographique et de la baisse de la natalité. Depuis le dernier recensement de 2014, la part des personnes âgées de 60 ans et plus est passée de 11,6% à près de 17%, traduisant une dynamique silencieuse mais puissante de transformation démographique. Cette évolution est également confirmée par la chute marquée de la fécondité, illustrée par la proportion désormais très faible des enfants de moins de cinq ans, qui ne représentent plus que 6% de la population. La pyramide des âges s’inverse peu à peu. L’âge médian des Tunisiens a doublé en l’espace de quelques décennies, passant de 17,3 ans en 1966 à 35 ans en 2024, tandis que l’âge moyen atteint aujourd’hui 35,5 ans. Ces chiffres traduisent un vieillissement certain qui, bien qu’encore contenu, annonce des bouleversements à venir dans de nombreux secteurs de la vie nationale. L’indice de vieillissement, qui mesure le rapport entre les plus de 60 ans et les moins de 15 ans, atteint désormais 73,9% contre 49 % en 2014. Etant une question d’un phénomène pratiquement irréversible, l’accroissement rapide de cet indice résonne comme une sonnette d’alarme que les décideurs publics ne peuvent ignorer.
Le vieillissement de la population appelle une révision urgente et profonde des politiques publiques. La Tunisie ne peut faire l’économie d’une nouvelle vision stratégique prenant en compte les conséquences multiples de cette mutation démographique. Le système de retraite, déjà sous tension, risque de devenir insoutenable à moyen terme si aucune réforme structurelle n’est engagée. Le secteur de la santé devra faire face à une demande accrue de soins spécifiques liés au grand âge dans un contexte où les infrastructures et les compétences spécialisées sont insuffisamment développées. Le pays manque cruellement de structures adaptées aux besoins des personnes âgées, que ce soit en matière d’hébergement, d’assistance à domicile ou d’accompagnement médical et social.
Mais la situation est d’autant plus critique que la Tunisie subit simultanément une fuite massive de ses jeunes compétences. L’émigration croissante des jeunes hautement qualifiés, notamment dans les domaines de la santé, de l’ingénierie, de la recherche et des technologies, fragilise considérablement les capacités du pays à assurer son propre développement. Cette hémorragie de talents, souvent formés aux frais de l’État, se traduit par une perte nette de capital humain, sans perspectives réelles de retour. Elle prive le pays non seulement de forces de travail indispensables, mais aussi de son potentiel d’innovation, de relève et de transformation. Le contraste est saisissant entre une jeunesse qui fuit et une population qui vieillit. L’une part, l’autre reste, et entre les deux, c’est toute l’architecture économique et sociale du pays qui vacille. Face à cette double pression démographique et migratoire, l’Etat doit s’engager sans plus tarder dans une reconfiguration de ses politiques sociales, économiques, éducatives et sanitaires.

H.G.

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