contactez-nous au 71 331 000
Abonnement

Tunisie - Guerre de tranchées dans la haute administration Par Soufiane Ben Farhat

 

 Tout observateur averti en convient sans trop se creuser les méninges. Il y a bien lieu de croire qu’il existe une guerre de tranchées quasi-permanente au sein des rouages de la haute administration tunisienne. Trois dossiers brûlants de l’actualité rebondissante à souhait en témoignent.

D’abord, la problématique des accapareurs et autres spéculateurs des denrées alimentaires qui n’en finissent pas d’empoisonner le quotidien du Tunisien lambda et des bons pères (et mères) de famille sous nos cieux. Le phénomène a enregistré un net recul depuis quelques mois, certes, mais il a occupé les devants de la scène deux années durant. Du coup, la bourse des ménages et le panier de la ménagère en ont douloureusement fait les frais. A preuve, non seulement la raréfaction de certains produits alimentaires de base (lait, sucre, café, riz, huile…) mais également la hausse subséquente des prix, et des plus vertigineuses de surcroît. Même lorsque les stocks furent régulés, la cherté de certains de ces produits n’a guère reculé.

Or, à bien y voir, l’Office du Commerce et le ministère du Commerce s’avèrent bien au cœur de cet imbroglio. Le ministère se caractérise par la faiblesse structurelle de ses services de contrôle. Le nombre de ceux qui en ont la charge suffit à peine à couvrir l’un des gouvernorats les moins peuplés des vingt-quatre gouvernorats du pays. Et, jusqu’à nouvel ordre, rien n’a été fait pour y parer, les recrutements dans l’administration étant gelés. A en croire que le statu quo en la matière est intentionnel et à des fins non avouées mais certaines.

Mafias institutionnelles

Quant à l’Office du Commerce, il a été bien établi que certains de ses services et responsables étaient par moments directement impliqués dans les spéculations et l’entretien honteux de l’accaparement de certaines denrées, l’obstacle délibéré à leur importation et l’entretien des réseaux parallèles. Une visite inopinée du chef de l’Etat dans les locaux mêmes de l’Office a mis cela en lumière.

Deux autres dossiers attestent qu’il y a des réseaux au sein de la haute administration s’ingéniant sans relâche à entretenir le flou et le chaos. Il s’agit du contrôle et du suivi des activités financières de certaines associations et de l’exacerbation vertigineuse de l’afflux des migrants clandestins subsahariens dans notre pays ces derniers mois. Dans les deux dossiers hautement problématiques, aussi bien l’impératif de transparence et de redevabilité au celui de la collecte et de la fluidité de l’information sont en cause. Et leurs implications perverses sont on ne peut plus avérées.

Là aussi, certains ministres semblent plutôt laxistes. Pourtant, les deux dossiers sont éminemment sécuritaires et ont un impact direct sur l’opinion. Une opinion ici aussi désorientée, courroucée et sujette à des manipulations suscitant des réactions épidermiques, outrancières et démesurées.

Guerres de positions

Il faut bien se fier aux évidences. Derrière tout ça, il y a des guerres de positions politiques sournoises et non déclarées. L’administration tunisienne a connu des bouleversements et des soubresauts au lendemain de ladite révolution de 2011.

Gonflée dans ses effectifs à mauvais escient, noyautée par les séides des partis dont le seul souci consiste à se partager les dépouilles de l’Etat sur la base de la tribu partisane et du butin inopiné, l’administration tunisienne a fini par être dépecée. Une fois la question des recrutements abusifs soulevée et sujette à des sanctions administratives et judiciaires, la machine des suspects a été mise en branle-bas de combat.

Il faut surtout éviter de camper les niais et les candides. Tout cela n’est guère fortuit ou accidentel. Certains de ceux qui ont perdu le pouvoir tentent de le réinvestir. Des cadavres dans le placard, ils en ont à foison. Ils s’impliquent alors dans diverses manœuvres frauduleuses et dolosives et de diversion en vue de s’assurer l’impunité et susciter le courroux du citoyen désemparé et taraudé par l’éternelle quête des ressorts de la vie normale. Le citoyen, pressuré par les pénuries et le renchérissement des prix, recherche parfois le strict minimum, au ras du sol au besoin.

La justice piétine

Et la justice dans tout ça ? dira-t-on volontiers. La lenteur des procédures et le je-m’en-foutisme de certains hauts responsables font tout pour que la justice piétine. Cela saute aux yeux. Dès que des procédures salvatrices et équitables sont annoncées, le chaos entretenu revient au galop.

En fin de compte, on revient inlassablement à la case départ. Celle de l’instrumentalisation de l’administration à des fins partisanes étriquées. Et même la notion de parti semble inappropriée en la matière vu qu’il s’agit davantage de coteries, de sectes et d’associations hasardeuses plutôt que de partis politiques en bonne et due forme. Des quelque 230 partis meublant la vie politique, une poignée seulement répond aux critères de fonctionnement des vrais partis.

L'administration de la chose publique en pâtit considérablement. On semble vivre une phase marquée par l’entretien du chaos et de la sauvagerie. Une partie non négligeable de ce qu’on nomme habituellement classe politique s’y investit. Et le bout du tunnel ne semble guère pour demain.

Ce qui est certain c’est que, malgré l’impuissance des gouvernements successifs à mettre en place de vraies réformes de structures, malgré la crise mondiale due à la succession de l’épidémie du Covid-19, et des guerres d’Ukraine et de Gaza, il y a toujours une zone d’ombre. Elle concerne les réseaux clandestins qui livrent des guerres concertées mais secrètes au sein même de l’administration.

“L’Etat doit être le plus bonhomme de France” disait le Baron Louis. Mais quand les malfrats s’y mettent… Suivez mon regard.

 S.B.F

 

Partage
  • 25 Avenue Jean Jaurès 1000 Tunis R.P - TUNIS
  • 71 331 000
  • 71 340 600 / 71 252 869