Par Hassan GHEDIRI
Le ministère de l'Éducation consacre presque tout son budget aux salaires, ne laissant que des miettes à la rénovation des écoles et des lycées…
Il ne reste que trois jours avant que la sonnerie de la rentrée des classes ne retentisse dans les établissements scolaires partout en Tunisie marquant le retour de la routine avec son lot de préoccupations, d’engagements, de stress et d’anxiété pour plus de deux millions d’élèves et leurs parents. Le stress commence déjà à monter depuis que s’est déclenchée la course contre la montre des préparatifs de la rentrée scolaire. Car si des progrès très louables ont été accomplis dans la simplification des formalités de l’inscription scolaire devenues totalement électroniques, le ministère en charge de l’épineux portefeuille de l’Education accuse beaucoup de retard en ce qui concerne la planification et l’exécution des travaux d’entretien et de modernisation de l’infrastructure scolaire.
Chaque année, lorsque le rideau tombe sur les résultats des examens marquant le début du repos pour les élèves et les enseignants, débutent normalement les préparatifs pour la nouvelle rentrée des classes. Au menu, des fonds importants sont débloqués pour la réalisation des travaux d’entretien et de restauration des établissements scolaires. Ces travaux qui démarrent généralement au début des vacances de l’été et devraient s’achever avant le 15 septembre tendent souvent à se prolonger, bousculant ainsi le calendrier scolaire et perturbant le déroulement normal des cours.
Si plusieurs chantiers ont pu être clôturés à temps dans certaines écoles et lycées, dans d’autres établissements le bruit des engins et l’agitation des ouvriers risquent de déconcentrer les élèves et de gêner les enseignants pendant des semaines voire des mois. Au lycée Bechir Nadhani de Hammam Lif, situé à une vingtaine de kilomètres au sud de la capitale, des parents venus régler des formalités avec la direction ont ainsi eu la mauvaise surprise de découvrir des camions bloquant la circulation et des ouvriers déchargeant outils et matériaux de construction. Le comble c’est quand ils avaient appris que la rénovation de la salle des professeurs et de plusieurs salles de classe, se trouvant dans un état de délabrement avancé, allait démarrer à la veille de la rentrée. Un chantier prévu pour durer huit mois, soit pratiquement toute l’année scolaire, qui obligea la direction du lycée à délocaliser plusieurs dizaines d’élèves vers un autre lycée situé, selon certains, à près d’un kilomètre du centre-ville. Une situation qui suscite déjà mécontentement et frustration chez les parents comme chez les élèves, qui risquent de voir le rythme de leur quotidien scolaire complètement bouleversé. Le cas de ce lycée de la banlieue sud de Tunis n’est point isolé, parce que, chaque année, des milliers d’élèves et d’enseignants sont obligés de faire leur rentrée dans des écoles et des lycées en plein chantier.
Nuisance
Les travaux de rénovation et d’entretien censés améliorer les conditions d’apprentissage deviennent alors une source de nuisance. Un problème résultant d’une planification défaillante souvent justifiée par le manque des ressources financières avec des budgets limités mis à la disposition des établissements. Mais qui est aussi question de rigidité des procédures administratives et la complexité des règlements encadrant d’attribution des marchés publics. Et si les collèges et lycées disposent d’une certaine marge de manœuvre bien que très réduite, les écoles primaires, privées de budget propre, doivent quant à elles recourir à la contribution des associations de parents et parfois à l’aide privée pour effectuer les travaux d’entretien le plus basique.
En effet, depuis plusieurs années, le financement de l’Education nationale est un sujet qui suscite beaucoup d’interrogations. L’évolution du budget alloué au secteur illustre clairement les limites structurelles qui entravent la modernisation des infrastructures éducatives dans notre pays. En 2024, par exemple, pas moins de 85% du budget du ministère de l’Education étaient consacrés aux salaires, ne laissant qu’environ 8% aux investissements dans l’infrastructure et l’équipement. Ce déséquilibre a des conséquences directes sur l’atmosphère au sein des écoles et sur le bien-être de l’ensemble des intervenants en milieu scolaire. Il est important de rappeler ici par exemple que seulement 30% des établissements scolaires en Tunisie sont accordés au réseau d’assainissement et que près de 10% des écoles primaires manquent encore d’accès au réseau public d’eau potable. L’on peut également compter par centaines, les écoles, les collèges et les lycées nécessitant l’entretien urgent pour remettre en état leurs toitures délabrées, leurs sanitaires en mauvais état et leurs salles de classe maquant des équipements élémentaires. Il n’est donc pas étonnant que dans de telles conditions, les travaux de réparation soient souvent mal planifiés entamées à la dernière minute et parfois inachevés.
H.G.