Au cœur de l’Afrique, le Soudan vit l’un des drames humains les plus terrifiants de notre époque. Dans la région du Darfour, et particulièrement à Al-Fasher, des milliers de civils sont pris au piège d’une guerre fratricide qui ravage le pays depuis avril 2023.
Ce conflit entre l’armée régulière soudanaise et les Forces de soutien rapide (FSR) a plongé la population dans un enfer indescriptible: villages incendiés, femmes violées, enfants exécutés, civils massacrés – tout cela sous le regard impassible de la communauté internationale.
Ce qui se déroule aujourd’hui à Al-Fasher n’est pas seulement une tragédie africaine, c’est un crime contre l’humanité commis à ciel ouvert. Les témoignages concordent : des quartiers entiers ont été rasés, les hôpitaux débordent de blessés et des fosses communes se multiplient.
Des organisations humanitaires comme l’ONU ou Médecins Sans Frontières tirent la sonnette d’alarme : le Darfour est au bord d’un génocide silencieux. Pourtant, le monde détourne le regard, prisonnier d’un silence coupable et d’une inertie diplomatique que rien ne justifie.
L’histoire semble tragiquement se répéter. En 1994, au Rwanda, le monde avait promis : « Plus jamais ça». Pourtant, trente ans plus tard, les mêmes mécanismes d’aveuglement et de complicité par le silence sont à l’œuvre.
Les grandes puissances discutent, se renvoient la responsabilité, publient des communiqués «préoccupés», mais aucune action concrète n’est entreprise pour protéger les civils soudanais. Les images de corps mutilés, de familles réfugiées dans le désert sans eau ni nourriture rappellent sinistrement les massacres de Kigali.
L’hypocrisie internationale atteint ici son comble. Quand des conflits éclatent ailleurs – en Europe ou au Moyen-Orient – les capitales occidentales s’empressent de condamner, de sanctionner, d’envoyer des aides militaires ou humanitaires. Mais lorsque les victimes sont africaines, noires et pauvres, le silence devient assourdissant.
Cette politique de deux poids, deux mesures mine la crédibilité morale de la communauté internationale. Les Soudanais ne valent-ils pas autant que les autres peuples? Leur sang aurait-il moins de valeur parce qu’il coule loin des caméras occidentales ?
Le Soudan est aujourd’hui à un tournant historique. Plus de 10 millions de déplacés internes, des millions d’enfants menacés par la famine, des centaines de milliers de réfugiés qui affluent vers le Tchad, le Sud-Soudan et l’Éthiopie.
C’est la plus grande crise humanitaire du monde, selon les Nations unies. Et pourtant, elle reste quasi absente des grands médias internationaux, étouffée par d’autres priorités jugées plus “stratégiques”.
Cette indifférence n’est pas seulement une faute morale, c’est une complicité objective. Chaque jour d’inaction coûte des vies. Les dirigeants mondiaux doivent comprendre que le silence tue autant que les balles.
Il est urgent d’imposer un cessez-le-feu immédiat, de déployer une force internationale d’interposition sous mandat onusien ou africain, et d’assurer l’accès humanitaire total aux populations piégées. Sans cela, Al-Fasher deviendra le symbole d’une nouvelle tragédie que l’Histoire jugera impardonnable.
L’Union africaine, quant à elle, doit retrouver sa raison d’être.
Elle ne peut se contenter de déclarations symboliques pendant que l’un de ses peuples membres est exterminé. Les pays voisins du Soudan, ainsi que les grandes puissances régionales comme l’Égypte ou l’Arabie saoudite, ont le devoir moral et politique de s’impliquer activement pour mettre fin à cette guerre absurde.
Mais au-delà de l’action diplomatique, il faut aussi un réveil des consciences. Le monde ne peut pas continuer à hiérarchiser la souffrance humaine selon la couleur de peau ou l’intérêt géopolitique. Les Soudanais méritent d’être sauvés, écoutés et respectés. Ils méritent la paix, la justice et la dignité.
Le Rwanda avait été le miroir d’une faillite morale internationale. Al-Fasher risque d’en être le reflet contemporain. Si le monde laisse faire, il portera à jamais la honte d’avoir observé sans agir un nouveau massacre de masse. Les grandes puissances, l’ONU, l’Union européenne, mais aussi les peuples et la société civile doivent se mobiliser maintenant. Il n’y a plus de temps à perdre.
Le Soudan est en train de mourir dans le silence. Et ce silence, s’il perdure, sera la marque indélébile de notre époque : celle d’un monde qui regarde le mal et choisit de se taire.
J.H.

