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Trafic éhonté des migrants Subsahariens en Tunisie Par Soufiane Ben Farhat

La Tunisie connaît depuis quelque temps une exacerbation dramatique du phénomène de l’afflux problématique des Subsahariens sur son territoire. Une problématique à vrai dire internationale et à géométrie variable.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le porte-parole de la Direction générale de la Garde nationale, Houssemeddine Jebabli, a fait état il y a quinze jours d’une augmentation du nombre de personnes ayant franchi clandestinement nos frontières maritimes depuis le début de l’année jusqu’au 10 avril. Comparé à la même période de l’année dernière, ce nombre est estimé à 21.100, soit une augmentation nette de 7.000 franchissements clandestins. Il est à relever qu’il y a en moyenne 53 voyages maritimes clandestins chaque nuit à partir du territoire tunisien. Par ailleurs, M. Houssemeddine Jebali a indiqué que plus de 19.000 personnes ont été empêchées d’entrer sur le territoire tunisien par voie terrestre au cours de la même période. Un grand nombre d’organisateurs et de passeurs des émigrés clandestins ont été arrêtés, dépassant les 566 individus, soit une multiplication par cinq du nombre de trafiquants par rapport à la même période de l’année précédente.

M. Kamel Feki, ministre de l'Intérieur avait, quant à lui, estimé le nombre de Subsahariens se trouvant l’année dernière sur le territoire tunisien à 80.000 personnes. Ils sont concentrés surtout dans les gouvernorats de Tunis, Médenine et Sfax.

 

L’Europe et le syndrome de la patate chaude

Tout d’abord, comment se fait-il que, de tous les États de l’Afrique du Nord, la Tunisie, qui n’a guère de frontière avec les pays Subsahariens, soit le pays qui pâtit le plus de cette poussée ? La Tunisie a des frontières terrestres avec seulement deux pays maghrébins, l'Algérie (1.010 km) et la Libye (459 km). A titre d’exemple, l'Algérie voisine a des frontières sahariennes et avec des États Subsahariens atteignant près de 4.000 km.

La problématique est à géométrie variable. Côté nord, l’Europe veut se débarrasser de l’afflux des émigrés clandestins Subsahariens en faisant officier la Tunisie soit comme gendarme de ses frontières Sud soit comme centre de détention des émigrés clandestins. Ce que la Tunisie refuse catégoriquement, ayant à plusieurs reprises et en plus haut lieu réitéré sa volonté de traiter la question dans le strict respect des valeurs humanitaires et des droits de l’homme. L’Europe s’en fiche. L’essentiel est que le flux des clandestins Subsahariens soit endigué de quelque manière que ce soit. Pour les États européens, quand l’intérêt national et électoraliste prime, les droits de l’homme on s’en soucie comme d’une guigne. Ils s’ingénient dès lors à faire exécuter et endosser la sale besogne aux autres. Le Parlement européen a adopté l’année dernière une loi encore plus drastique et restrictive sur l’émigration clandestine. La France en fit de même, aux dépens des valeurs républicaines bien évidemment. A noter que la loi tunisienne sur le séjour des étrangers date de 1968 !

 

Porosité douteuse

Côté Sud, on n’est guère en reste. Il y a quelques mois, le Niger a aboli la loi de 2015 criminalisant la traite des personnes. S’ensuivit une querelle diplomatique avec l'Algérie, qui avait fait rapatrier des milliers de nigériens.

Du côté de nos frontières avec la Libye et Algérie, les flux de migration clandestine subsaharienne s’intensifient. Douteusement susurre-t-on çà et là. 

Toujours est-il que le 22 avril 2024, un sommet des chefs d’Etat de la Tunisie, de l’Algérie et de la Libye s’est tenu à Tunis. Cette toute récente initiative diplomatique vise entre autres à faire face d’une manière concertée et commune aux flux de migration clandestine subsaharienne de plus en plus problématiques.

Sur le terrain, la question prend ces derniers jours une allure dramatique, notamment dans la ville de Sfax et dans la région voisine d’El Amra. Cette dernière région est l’un des points de passage prisés des passeurs clandestins. Les regroupements des migrants clandestins y ont généré des situations conflictuelles et crispées avec les habitants et les agriculteurs locaux saisis d’une peur panique pour leurs personnes, leurs familles, leurs plantations et leurs oliveraies dilapidées ou fortement endommagées.

 

Lobbys puissants et intérêts financiers

Côté organisations internationales et réseau associatif, tout ne baigne pas dans l’huile non plus, du moins dans les rapports de certaines d’entre elles avec les autorités tunisiennes. Plusieurs considérations y président, notamment celles de lobbys puissants et invisibles et d’intérêts financiers sordides. Pour eux aussi, le malheur des hommes officie comme un acte muet et éludé. Or, la souffrance des hommes ne saurait être l’acte muet de la politique.

Il faut compter également avec le réseau transnational du crime organisé. Il vise particulièrement la Tunisie eu égard à sa proximité avec les îles italiennes (Pantelleria, la Sicile, les cinq îles Pélages dont Lampedusa, Linosa et Lampione), avec Malte, la Sardaigne et la Corse. Le crapuleux trafic éhonté d'êtres humains mais aussi d’organes humains est juteux et ils ne s’embarrassent guère de considérations humanitaires. Bien pis, ce sont des trafiquants de la mort puisqu’ils envoient cruellement des milliers de gens à la mort tout en empochant le pactole d’avance. Témoins, les barques de transport de fortune fabriquées en fer et en tôle en cachette dans des ateliers clandestins.

Par-delà des approches manichéennes des uns et des autres, il s’agit bien d’une question de trafic criminel et éhonté d'êtres humains à des fins crapuleuses. Chacun le sait mais personne n’en parle ouvertement, les Européens et certaines organisations prétendument humanitaires enprime.

S.B.F

 

 

 

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