Par Hassan GHEDIRI
Particulièrement exposée aux changements climatiques qui se font sentir de manière grandissante, la Tunisie tarde à adapter ses législations pour préserver les populations les plus vulnérables ...
La problématique de la mobilité climatique a été exposée dans une note de réflexion publiée par le Forum tunisien des droits économique et sociaux qui estime que malgré la multiplication et l’aggravation des défis environnementaux et climatiques auxquels se confronte la Tunisie, il y a un vide juridique qui doit être comblé en ce qui concerne la protection des personnes affectées par les crises climatiques.
Les auteurs de cette note mettent l’accent sur les phénomènes de la raréfaction des ressources hydriques et la pollution en tant que facteurs incitant au déplacement.
Les législations tunisiennes, que ce soit dans les domaines de la protection de l’environnement, de la gestion des ressources naturelles ou des droits de l’homme, ne contiennent toujours aucune définition explicite ni aucun système de protection spécifique pour les « personnes déplacées pour raisons environnementales ».
La reconnaissance de cette catégorie fait également défaut dans les politiques publiques, qui se concentrent essentiellement sur la protection des ressources naturelles et les plans d'adaptation au climat, sans intégrer véritablement la dimension sociale liée aux schémas de déplacement et de mobilité interne ou externe induits par l'environnement.
Plusieurs études montrent toutefois que les difficultés d’accès à l’eau et la détérioration du couvert végétal sous l’effet de la désertification et la sécheresse sont en passe de s’intensifier dans beaucoup de régions au sud et au centre de la Tunisie poussant beaucoup d’habitants à fuir vers les grandes villes.
Le FTDES rappelle, par ailleurs, que la Constitution de 2022 stipulait dans son article 44 que « le droit du citoyen à un environnement sain et équilibré » est un principe garanti, mais qui s’avère néanmoins une simple déclaration de bonne intention vu qu’aucun mécanisme de protection juridique et sociale n’a été prévu en faveur des personnes déplacées pour raisons climatiques et environnementales.
Le Code de l’environnement suggère en revanche une définition beaucoup plus pertinente des populations exposées aux risques liés aux effets climatiques puisqu’il stipule clairement, dans son article 7, que « toute personne, y compris les personnes déplacées pour des raisons environnementales, a droit à un environnement sain et équilibré en harmonie avec la nature ».
Dans sa note, le FTDES explique toutefois que dans le Code, l’expression «personne déplacée pour des raisons environnementales» se limite à la protection des ressources hydriques et naturelles, à la rationalisation de leur exploitation et à l’élimination des sources de pollution, sans tenir compte de l’impact social et économique résultant de leur dégradation, notamment le phénomène de migration engendrée par la menace climatique.
Le Forum considère, d’autre part, que malgré la multitude des structures impliquées dans la gestion des problématiques environnementales en Tunisie, le manque de coordination et le chevauchement des responsabilités de différents intervenants (ministères chargés de l’Environnement, de l’intérieur, de l’Agriculture, des Affaires sociales…) font aboutir à des politiques fragmentées et conflictuelles.
Aussi, le manque de données chiffrées permettant d’évaluer l’impact des changements climatiques sur la mobilité des habitants dans les secteurs et les régions les plus touchés entrave l’anticipation et la mise en œuvre des actions de prévention et de réponse aux risques.
D’autre part, les politiques d’aménagement et de planification urbaines manquent souvent d’intégrer la composante climatique et ne tiennent pas compte des dimensions sociales et démographiques des transformations climatiques et de leur impact sur les mouvements de population.
Ainsi, le FTDES estime qu’il est devenu aujourd’hui primordial pour la Tunisie de réfléchir sur une stratégie nationale pour répondre aux défis posés par la mobilité climatique dans le pays qui risque d’accentuer la vulnérabilité économique et sociale des populations touchées par le phénomène en l’absence de mécanismes de protection spécifiques.
H.G.

