Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
« Un simple rassemblement » pour les uns, « une agression » pour les autres, l’incident survenu avant-hier à la Place Mohamed Ali, là où siège l’UGTT, témoigne de l’endurcissement de la crise entre l’actuel bureau exécutif et ses rétracteurs. Jusqu’où peut aller ce bras de fer ?
Nous sommes le mercredi 6 août 2025. Quelques dizaines de personnes, après avoir scandé des slogans hostiles à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), se dirigent vers la Place Mohamed Ali, là où se trouve le siège central de la Centrale syndicale. Les manifestants se mettent, alors, à scander des slogans versant tous dans le même sens, à savoir : « Le peuple veut le gel de l’UGTT » ou encore « Dégage » voire «Assignation en justice des dirigeants de l’organisation syndicale ».
Quelques heures plus tard, le secrétaire général adjoint chargé de la Communication et porte-parole de l’Union générale tunisienne du travail, Sami Tahri, donna une première déclaration à l’agence TAP qualifiant cet incident d’« agression », tenant au passage les autorités pour responsables de son déroulement. Et d’ajouter : « A la suite de la récente grève observée dans le secteur des transports, des appels à l’assaut des locaux de l’UGTT et à l’expulsion de ses responsables ont circulé sur les réseaux sociaux. Certains de ces messages appelaient également à la dissolution de l’organisation syndicale ». Ces appels, selon lui, ont « coïncidé avec le rassemblement d’environ 100 personnes devant le théâtre municipal de Tunis, avant qu’elles ne se dirigent vers la place Mohamed Ali, où se situe le siège de l’UGTT ».
Les sympathisants de ce rassemblement ont rejeté, en revanche, ces accusations, « A ma connaissance, l’une des principales causes que défend l’UGTT est la liberté d’expression. Pourquoi, alors, priver les opposants de l’actuel bureau exécutif de ce droit et les qualifier en plus d’agresseurs. Un paradoxe dont seuls les dirigeants de la Centrale syndicale en ont le secret », écrira l’activiste de gauche, Kamel Comba, de son surnom, sur sa page Facebook.
En tout état de cause, cet incident témoigne de l’endurcissement de la crise entre l’actuel bureau exécutif et ses rétracteurs. Jusqu’où peut aller, par ailleurs, ce bras de fer ?
Inquiétudes …
Selon certains observateurs, plus qu’une crise conjoncturelle, l’Union générale tunisienne du travail est au cœur d’un vrai cataclysme politico-syndicaliste, « les communiqués publiés par certaines organisations nationales et internationales et des partis politiques donnent un caractère politique à cet incident survenu mercredi dernier. Il se peut même que cet incident fasse reléguer la crise interne de l’UGTT au second rang. C’est pourquoi, il faut rester prudent sur la suite des événements », nous dira l’activiste et universitaire Salem Chérif. Et d’ajouter : « Ce que je souhaite personnellement est que les syndicalistes profitent de ce nouveau rebondissement et s’assoient autour de la même table avec un seul but, à savoir : dénouer la crise actuelle sur la base d’une nouvelle approche pour l’action syndicale qui doit prendre en compte les intérêts stratégiques du pays dans ce contexte mondial assez compliqué et tendu. Il est plus qu’urgent aujourd’hui d’opérer un recadrage qui vise à réorienter l'action syndicale à sa mission première, en l'occurrence la défense des intérêts des travailleurs, dans un cadre légal. Désormais, action politique et lutte syndicale ne peuvent plus se confondre. Cette refonte de l’action syndicale doit s'articuler impérativement autour de la nécessité de s'éloigner définitivement — dans le cadre de la loi — des pratiques politiciennes et du lien organique entre les syndicats et les partis et d'entamer un large débat autour des propositions inhérentes aux modalités d'exercice du droit syndical ».
M.B.S.M.