Par Hassan GHEDIRI
Une avalanche de commentaires déferle depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux dans lesquels des expatriés mécontents expriment leur refus de se faire imposer des charges fiscales supplémentaires en Tunisie…
Beaucoup de bruit court ces derniers jours sur les réseaux sociaux sur une présumée «nouvelle» mesure adoptée par le gouvernement qui consiste à soumettre à l’impôt sur le revenu l’argent transféré en Tunisie par la diaspora. En l’absence de clarification officielle, la rumeur enfle et risque de compromettre la principale source de devises pour la Tunisie.
Pourtant, il s’agit d’une fausse alerte. Parce qu’il n’y avait tout simplement aucun changement des dispositions réglementant les transferts d’argent ou de fonds effectués par les expatriés depuis l’étranger vers la Tunisie. En effet, et jusqu’à preuve du contraire, l’Exécutif n’a pas touché au Code de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’impôt sur les sociétés, à même d’amender l’article ou les articles portant imposition des revenus de source étrangère. Rien n’a toutefois empêché les rumeurs de se propager sur les réseaux sociaux sur ce qui est supposé être un excès de zèle de l’administration fiscale au détriment de Tunisiens résidant à l’étranger (TRE). Une avalanche de commentaires déferle depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux dans lesquels des expatriés mécontents expriment leur refus de se faire imposer des charges fiscales supplémentaires sur l’argent transféré à leurs proches et familles installés en Tunisie. Dans une vidéo massivement partagée sur Facebook, un jeune TRE, très en colère, a juré de ne plus jamais envoyer aucun millime par les canaux de transferts conventionnels tels que Western Union ou MoneyGram, affirmant qu’il optera dorénavant pour d’autres «moyens», faisant allusion au marché noir. Une aberration qui aurait pu être évitée si les autorités, qui ont laissé les rumeurs faire boule de neige, avaient assumé leur responsabilité pour clarifier les choses. Mais malheureusement, les responsables brillent encore une fois par leur mystérieux manquement au devoir de communication.
Joint par ‘’Le Quotidien’’ pour interagir sur cette question, Mohsen Hassan, analyste économique et ancien ministre du Commerce, exprime sa grande stupéfaction face au silence des autorités vis-à-vis de ces rumeurs. Notre interlocuteur explique que ce que l’on raconte sur les réseaux sociaux est complètement dénué de toute logique, mais dont les conséquences risquent d’être néfastes. Il note qu’aujourd’hui, chaque Tunisien résidant à l’étranger participe en moyenne à raison de 120 dollars au volume de transferts mensuels de devises vers la Tunisie, soulignant que la moyenne mondiale est de 200 dollars, soit l’énorme marge de progression s’offrant à notre pays dans ce domaine et les grandes opportunités de développement auxquelles peuvent contribuer de telles ressources sur le plan social et économique.
Manne
A titre d’exemple, durant les huit premiers mois de 2024, les transferts de fonds des Tunisiens résidant à l’étranger ont atteint 5,32 milliards de dinars. Sur l’ensemble de l’année, ces transferts ont représenté environ 30 % des réserves de change de la Tunisie, soit l’équivalent de 6,5 % du produit intérieur brut (PIB). Ce flux financier vital a permis à la Banque centrale de Tunisie de renforcer ses avoirs en devises et de faire face aux échéances de la dette extérieure, soulageant ainsi une pression croissante sur les finances publiques.
S’agissant de la polémique sur l’imposition des fonds transférés par les TRE, Hassan explique que la Tunisie a des conventions de non double imposition conclues avec beaucoup de pays. Ceci stipule que lorsqu’un Tunisien réside dans l’un de ces pays, ses revenus étrangers ne sont soumis à aucune imposition lorsqu’ils sont transférés en Tunisie. Ainsi, l’on peut affirmer que les TRE, formant une diaspora de plus de 1 million d’émigrés, résident presque à 100 % dans des pays avec lesquels la Tunisie a éliminé les doubles impositions. Plus clairement, les revenus générés par les TRE dans leur pays de résidence ne sont pas imposés en Tunisie. Mais étant citoyen tunisien, qu’il soit résidant en Tunisie ou bien à l’étranger, salarié ou non salarié, il doit obligatoirement déclarer ses revenus annuels à l’administration fiscale. Un devoir qui tarde malheureusement à entrer dans les habitudes des Tunisiens. Notre interlocuteur tient, toutefois, à souligner une chose très importante : dans cette déclaration annuelle doivent être mentionnés les revenus à l’étranger sans qu’ils soient imposables. Tout autre revenu pouvant être généré en Tunisie au profit d’un citoyen résidant à l’étranger est cependant automatiquement soumis aux règlements d’imposition en vigueur.
H.G.