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A Beït al-Hikma : Quel humanisme, aujourd’hui, dans un monde conflictuel ?

Le Département des Sciences humaines et sociales de l'Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts, « Beït al-Hikma », a organisé, le mardi 19 mars 2024, un événement dédié à la présentation de l'ouvrage « Humanisme moderne. Nouvelle orientation pour un avenir meilleur » de Fawzia Hachaïchi Trimèche, enseignante de langue et de civilisation allemandes à la Faculté des Sciences humaines et sociales de Tunis.

La présentation de l'ouvrage a été assurée par l'académicien Pr Mohamed Mahjoub qui a commencé par rappeler que le thème de l’ouvrage revêt une importance décisive à l’heure actuelle, eu égard aux injustices et aux horreurs auxquelles le monde assiste.

Deux notions sont au cœur des thèmes traités dans l’ouvrage : humanisme et modernité. L’humanisme, écrit l’auteure, « est le souci de l’Homme pour l’Homme, indépendamment de sa culture, de sa tradition et de sa religion. Tout ce qui peut atteindre l’Homme atteint toute l’humanité. C’est une solidarité fondamentale et continuelle. Ce mouvement est fondé sur une culture moderne qui est celle de la modernité ».

Le « Vivre ensemble, dans la dignité »

Des couples antithétiques parcourent tout l’ouvrage : culture propre versus culture ouverte, homme versus humanité, tradition versus modernité, l’homme pris dans son empiricité face à l’humanisme comme position philosophique moderne. L’auteure évolue à travers ces couples pour tracer les lignes d’une « possibilité de sortie » d’un présent conflictuel mondial à travers un retour aux valeurs des lumières, une réconciliation de l’homme avec lui-même pour jeter les bases d’une passerelle entre les civilisations visant à créer un état de communicabilité entre diverses cultures dans lesquelles l’auteure inscrit le concept du « vivre ensemble, dans la dignité » qui définit l’humanisme moderne selon Jacques Derrida.

Mme Trimeche fait valoir « la jonction entre les deux concepts, le vivre ensemble et l’hospitalité, pour jouer un rôle de ciment à une nouvelle humanité, fondée sur le partage et l’amitié, conditions nécessaires, pour une paix internationale perpétuelle ».

Il apparaît clairement que l’ouvrage donne la primauté à la pensée socio-philosophique allemande (Goethe et Kant) pour examiner l’émergence de l’ère des Lumières. Une marge est, toutefois, accordée à l’influence des penseurs grecs et, au passage, à celle de la philosophie asiatique et de la culture musulmane.

L’ouvrage, paru en 2022, ne pouvait prévoir la mise à mal de cette analyse eurocentriste de l’humanisme et de la modernité, qui essuie son plus grand camouflet dans le contexte mondial actuel. Quelle est la crédibilité de l’Europe (de l’Occident en général) aujourd’hui pour prétendre que la Renaissance, l’Humanisme et les Lumières constituent des succès purement européens ? La question en remet une autre au goût du jour : « la myopie » de l’enseignement de l’histoire des Lumières ou l’omerta sur l’apport arabo-musulman dans la transmission de textes philosophiques et scientifiques fondateurs à la pensée européenne, qui en a été profondément influencée.

Le rôle de la traduction

S’il est vrai que beaucoup de livres romains ont effectivement été retrouvés par les humanistes européens, cela ne vaut pas pour les textes grecs. Les écrits des auteurs et scientifiques grecs les plus importants sont arrivés en Europe grâce à leur traduction en arabe. Un mouvement de traduction initié par les califes abbassides de Bagdad au VIIIe siècle. Les scientifiques musulmans ont porté les sciences grecques et persanes à un niveau supérieur. L’apport d’Ibn Roshd à la philosophie a constitué un véritable séisme intellectuel en Europe où on l’appelait Averroès « le Commentateur » (d’Aristote), au point que ses idées furent condamnées et interdites par les théologiens catholiques, dont Thomas D’Aquin.

Néanmoins, cela n’a pas arrêté la libre-pensée d’Ibn Roshd et plus de quatre siècles après la mort, Baruch Spinoza, un des pères des Lumières, s’appuya dans son discours pour la pensée critique et indépendante sur les idées d’Averroès.

A l’ère de la profusion des informations de tous bords et de la mise en garde contre la propagande, la « post-vérité » et la falsification de l’histoire, l’Europe et l’Occident doivent redonner eux-mêmes à la vérité la place qu’elle mérite dans l’enseignement de l’histoire, condition sine qua non du « vivre-ensemble, dans la dignité » et la paix.

Le Quotidien avec communiqué

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