Par Chokri Baccouche
La ville marocaine de Dakhla est le candidat le plus sérieux devant abriter le siège de l’Africom, le Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique. C’est ce qui ressort d’une information assez explosive que viennent de publier de nombreux médias dont des sites électroniques qui jouissent d’une certaine crédibilité.
Bien que Washington et le Royaume marocain soient liés depuis des années par une coopération militaire étroite appuyée par des installations de soutien, le présumé projet de créer une base militaire américaine au Maroc suscite des appréhensions et des craintes, notamment de la part des pays voisins, particulièrement dans un contexte régional et international tendu marqué par la montée des défis et des incertitudes au double plan géostratégique et sécuritaire.
Il faut dire que ce projet, qui n’est pas nouveau, alimente par intermittence les rumeurs. Pour rappel et lors de l'audition devant la commission des forces armées de la Chambre des représentants intitulée « Position militaire des États-Unis et défis pour la sécurité nationale au Moyen-Orient et en Afrique », le général Michael Langley a indiqué que l'armée américaine envisageait de transférer le siège du Commandement des États-Unis pour l'Afrique de Stuttgart en Allemagne à Kenitra au Maroc, un pays qu'il a qualifié de « partenaire le plus fiable du continent africain ».
Depuis l'entrée en fonction de Donald Trump en janvier dernier, le général Langley est revenu, semble-t-il, à la charge pour demander à plusieurs reprises la concrétisation de ce projet qui revêt, aux yeux des dirigeants US, un intérêt stratégique de plus haute importance dont le principal objectif est de « contrer l’influence grandissante dans la sphère nord-africaine de la Chine et la Russie et renforcer d’une manière générale la présence des Etats-Unis sur le continent noir.
L’affaire fait en tout cas à l’heure actuelle beaucoup de vagues et de remous. Elle nourrit surtout des suspicions et des craintes, car pour certains pays de la région et cela se comprend, la perspective d’installer une base militaire permanente en Afrique du Nord est perçue comme un dangereux fait accompli qui revient à introduire un loup dans la bergerie.
Pourtant, lors d'une visite à Alger en 2021, axée sur la situation au Maghreb, le secrétaire d'État américain adjoint de l’époque, David Schenker, a nié toute intention des Etats-Unis d'instaurer une base militaire au Sahara occidental, dans le cadre du récent accord avec le Maroc.
Partant de l’évidence qu’en politique les promesses n’engagent que ceux qui leur prêtent une oreille attentive et que les accords et les engagements ne sont jamais statiques et immuables, il se pourrait que les choses aient changé depuis. Une telle hypothèse est d’autant plus plausible que des événements, le moins qu’on puisse dire spectaculaires, sont survenus ces dernières années qui confirment ce constat marqué d’ailleurs par l’émergence d’une nouvelle donne.
Il est bon de rappeler, à cet effet, que, lors de son premier mandat, Donald Trump a reconnu la souveraineté du Maroc sur le territoire contesté du Sahara Occidental et ce, moins de 24 heures après que le Royaume a accepté de normaliser ses relations avec Israël dans le cadre des fameux « Accords d’Abraham ». Mieux encore, l’administration du revenant locataire de la Maison Blanche s’est mise en ordre de marche en annonçant récemment qu’elle allait commencer à aider les entreprises souhaitant investir dans le Sahara occidental.
Ce territoire riche en hydrocarbures et qui recèle d’importantes richesses minérales comme le fer, le phosphate et l’uranium attise de toute évidence la convoitise du pays de l’oncle Sam, non habitué de toute façon aux actes désintéressés. Par conséquent, l’instauration d’une base militaire limitrophe pour protéger les intérêts des Etats-Unis dans la région répond d’une certaine manière à un besoin logique.
Un besoin logique peut-être pour Washington, mais il faut reconnaitre qu’une telle perspective n’est pas du tout rassurante pour les pays voisins et notamment l’Algérie et ce pour des raisons qui n’échappent d’ailleurs à personne. Région à gros enjeux géostratégiques et théâtre d’une guerre d’influence larvée à laquelle se livrent les grandes puissances, le Maghreb arabe sera-t-il prochainement au cœur d’une future tourmente ?
On ose espérer que cela ne sera pas le cas, même si les prémices d’un scénario détestable commencent, quoi qu’on le dise, à se profiler à l’horizon. C’est par l’unité et la solidarité agissante que les pays de la région pourront relever avec succès les challenges et les défis présents et à venir…
C.B.

