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Editorial : Un ticket pour l’enfer …

Par Chokri Baccouche

Décidément, les complots et les coups bas, c’est quelque chose d’inné chez les dirigeants israéliens. Comme qui dirait, une propension quasi naturelle à inventer un mal insidieux pour porter délibérément préjudice aux autres peuples. Les faits ou plutôt les méfaits qui confirment ce sinistre constat sont d’ailleurs légion.

Le dernier en date n’est autre que la reconnaissance, il y a quelques jours, par l’entité sioniste de l’indépendance du Somaliland, créant au passage une première et précédent lourd de conséquences, susceptible de déstabiliser davantage une région déjà en proie depuis des décennies à de vives tensions.

Formé en 1991, le Somaliland est indépendant de facto de la Somalie depuis une trentaine d’années mais reste sous le contrôle de l’État fédéral somalien, duquel il a fait sécession après avoir subi une guerre aux allures de génocide à la fin des années 1980. La reconnaissance du Somaliland par Israël a provoqué un tollé international.

Si cette décision a réjoui comme il fallait s’y attendre les Somalilandais et leur président, Abdirahman Irro,  elle a  provoqué en revanche un tollé international et a été dénoncée notamment par l’Union africaine, l’Egypte, la Turquie, la Tunisie ainsi que de nombreux autres pays membres de l’Organisation de la

Conférence islamique qui ont tous affirmé leur attachement à l’intangibilité des frontières de la Somalie.
Les observateurs avertis s’accordent à penser que Tel-Aviv cherche, à travers cette décision, à obtenir une place forte sur la très stratégique mer Rouge, à faire pencher en sa faveur les équilibres géopolitiques régionaux et, possiblement, à expulser vers ce territoire de la Corne de l’Afrique de nombreux Palestiniens.

De toute évidence les dirigeants sionistes sont traumatisés par l’embargo imposé par les Houthis du Yémen qui ont interdit aux navires israéliens ou liés à Israël de passer par le détroit de Bab Al-Mandab tout au long de la guerre à Gaza. C’est la raison pour laquelle ils cherchent à s’implanter sur les côtes du Somaliland qui sont justement situées en face du Yémen et peuvent, par conséquent, leur offrir une « plate-forme idéale pour prendre en tenaille les Houthis et déjouer l’influence régionale turque ».

Un deuxième intérêt moins cité est le désir israélien de trouver un pays qui accueillerait les Palestiniens que le gouvernement Nétanyahou veut à tout prix expulser de leur terre ancestrale. Pour rappel et plus tôt cette année, les efforts israéliens et américains visant à négocier un accueil des Palestiniens dans divers pays, y compris au Somaliland, ont fait couler beaucoup d’encre.

Bien qu’un tel scénario paraisse à ce stade hautement invraisemblable, l’État somalilandais pourrait y trouver son avantage, si cela impliquait une reconnaissance internationale plus vaste et d’importants transferts de fonds. Par cette reconnaissance, il n’est pas exclu également qu’Israël
cherche à bouleverser un ordre régional qui lui est globalement hostile.

Bref, les dirigeants israéliens ne sont jamais à court d’idées… saugrenues, surtout s’il s’agit de fomenter des complots et d’envenimer l’existence à d’autres peuples. Non contente de semer le fatras, la mort et la désolation au Moyen-Orient, l’entité sioniste s’apprête ainsi à exporter tout son savoir-faire en matière de coups tordus vers la Corne de l’Afrique où une nouvelle ligne de fracture géopolitique commence à se dessiner et qui risque de s’aggraver dans un avenir proche.

Confronté à des conflits claniques qui ont mis à mal son régime depuis sa victoire électorale du 13 novembre 2024, le président du Somaliland, Abdirahman Irro, perçoit la reconnaissance par Israël de son pays comme une opportunité inespérée pouvant lui rapporter beaucoup d’argent et surtout baliser le terrain pour d’autres initiatives diplomatiques similaires.

Il ignore en fait et peut-être sans le savoir qu’il s’est fourré dans un véritable guêpier qui pourrait lui coûter très cher et pour cause ! L’entrée du Somaliland dans la sphère d’influence israélienne pourrait lui valoir en effet l’animosité de nombreux pays qui considèrent ce rapprochement comme une véritable menace pour leurs intérêts dans la région.

Plus spécialement, les islamistes d’Al-Chabaab, qui ont laissé le Somaliland tranquille depuis 2008, ne risquent pas, logiquement, de rester les bras croisés et se laisser faire. Tout comme d’ailleurs l’immense majorité des quelque 12 millions de citoyens de l’Etat fédéral qui voient d’un très mauvais œil ce qui relève à leurs yeux d’une trahison à la fois de la cause palestinienne et de l’unité du peuple somalien.

Plus qu’un cadeau empoisonné, Israël a en fait offert au Somaliland un ticket d’entrée en première  classe dans l’enfer d’un probable chaos et une inévitable incertitude…

C.B.

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