Avant-hier mardi 16 décembre 2025, la Tunisie s’est dotée de sa plus grande centrale photovoltaïque. Mise officiellement en service avec une capacité qui dépasse les 100 mégawatts, cette installation, implantée à Metbasta dans la zone industrielle de Sbikha au gouvernorat de Kairouan, témoigne de la volonté du pays de rattraper son retard dans la compétition spectaculaire qui se dispute dans le monde autour des énergies alternatives issues du solaire et de l’éolien.
Financé par la Société financière internationale (IFC) et la Banque africaine de développement (BAD), le projet aurait coûté la coquette somme de 250 millions de dinars. Lorsqu’elle atteindra sa capacité de production optimale, cette centrale devrait pouvoir fournir environ 0,5% de la consommation nationale de l’électricité, permettant par le même fait à l’Etat d’économiser chaque année aux alentours de 22 millions de dollars sur les importations du gaz naturel utilisé par la STEG pour générer 95% de son courant.
Investir massivement dans les énergies renouvelables s’impose désormais comme une nécessité économique et stratégique de premier ordre pour notre pays. Dans le monde, des records sont battus au rythme des nouveaux investissements annoncés un peu partout par des pays lancés activement dans la transition énergétique.
Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les énergies renouvelables devraient contribuer à plus de 90 % de l’expansion de la capacité électrique mondiale à l’horizon 2027. Alors que les experts internationaux estiment que c’est encore le secteur privé qui conduit actuellement la transition énergétique, fournissant les trois quarts des investissements mondiaux dans les énergies propres. Les projets implantés génèrent déjà dans les économies bénéficiaires assez de croissance, beaucoup d’emplois et suffisamment de sécurité énergétique. Ce dont le monde a pourtant besoin c’est l’engagement des Etats à long terme aligné sur les ambitions nationales.
La Tunisie, qui s’est fixé depuis très longtemps des objectifs très ambitieux sans toujours parvenir à les honorer, devrait rester concentrée sur ses ambitions parce que la révolution des énergies renouvelable est irréversible.
ll suffit d’observer ce qui se fait dans des pays comparables pour mesurer l’ampleur du chemin parcouru ailleurs. Le Maroc, par exemple, a transformé la région de Ouarzazate en un véritable hub énergétique grâce au complexe solaire Noor, aujourd’hui cité comme référence mondiale et capable de couvrir une part significative de la demande nationale tout en exportant de l’expertise.
En Égypte, le parc solaire de Benban, l’un des plus grands au monde, a attiré des dizaines d’investisseurs privés et créé des milliers d’emplois locaux. Ces expériences démontrent que lorsque la vision politique est claire, stable et soutenue par des réformes réglementaires cohérentes, le capital suit et les retombées économiques sont rapides et durables.
En Tunisie, le potentiel est pourtant immense. Avec plus de 3 000 heures d’ensoleillement par an et des couloirs de vent encore largement sous-exploités, le pays dispose d’atouts naturels rares dans le bassin méditerranéen. Mais les lenteurs administratives, l’instabilité du cadre juridique et les difficultés de financement continuent de freiner l’émergence de projets structurants.
De nombreux investisseurs privés, nationaux et étrangers, évoquent encore des délais excessifs pour l’octroi des autorisations ou le raccordement au réseau, autant d’obstacles qui font perdre un temps précieux dans une compétition mondiale impitoyable.
Au-delà des grandes centrales, la transition énergétique doit aussi se décliner à l’échelle locale. Encourager l’autoproduction solaire dans les ménages, les exploitations agricoles et les zones industrielles permettrait de soulager la STEG, de réduire la facture énergétique des citoyens et de créer un tissu de PME spécialisées dans l’installation, la maintenance et le stockage de l’énergie. Des pays comme l’Allemagne ou l’Espagne ont bâti une partie de leur succès sur ce modèle décentralisé, combinant grands projets et initiatives citoyennes.
Mais pour la Tunisie, l’enjeu est à la fois budgétaire et souverain. Chaque mégawatt produit localement à partir du soleil ou du vent permet de combler, ne serait-ce que modestement, le déficit commercial et réduira un tant soit peu la dépendance énergétique du pays aux marchés internationaux imprévisibles.
La centrale de Sbikha doit inciter à de nouveaux investissements d’envergure. Cela exige à l’État de jouer son rôle de locomotive, en fixant une destination claire et en mettant la transition énergétique sur le rail d’un projet de développement national réel et réalisable.
H.G.

