Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
Dans un communiqué publié hier, les services de la Garde douanière de Médenine ont annoncé la saisie de marchandises diverses d’une valeur totale estimée à un million de dinars. Que faire pour lutter efficacement contre le fléau de la contrebande ?
Des faux bijoux aux cigarettes en passant par l’électroménager et les produits alimentaires ainsi que le carburant voire des médicaments, des pièces détachées, la contrebande coûte à l’Etat tunisien quelques milliards de dinars chaque année. A tire d’exemple et selon une étude menée par la Banque mondiale en 2013, la contrebande et le commerce parallèle font perdre à la caisse de l’Etat 1,2 milliard de dinars annuellement, dont 500 millions de dinars en recettes douanières, «Il faut multiplier ces chiffres par deux voire par trois aujourd’hui. Avec l’inflation et les pénuries enregistrées au niveau de certains produits, la contrebande et le marché parallèle n’ont jamais été aussi «performants que ces dernières années», nous dira le cadre bancaire Houssine Chalghaf.
Et d’ajouter : «Il faut savoir que le risque principal de ce fléau est préjudiciable pour les règles de la concurrence et contribue à semer la confusion dans la périodicité de l’approvisionnement. Il peut nuire même aux efforts déployés par l’Etat au niveau de l’approvisionnement et la régulation du marché. A cela s’ajoutent les autres impacts qui comprennent souvent la perte de revenus (la contrebande est un acte d’évasion fiscale qui prive l’Etat de recettes pour les dépenses publiques), la distorsion des prix du marché des marchandises introduites en contrebande dans le pays souvent vendues beaucoup moins cher que les marchandises introduites sur le marché par les bonnes procédures et le blanchiment d`argent, puisque les activités de contrebande permettent aux trafiquants d’en tirer des profits imaginaires au détriment de l`économie nationale». Que faire, de fait, pour lutter efficacement contre ce fléau ?
Stratégie nationale et coopération internationale…
En plus de ces effets négatifs sur l’économie, la contrebande constitue aussi un risque sécuritaire.
«Les réseaux criminels qui se mettent en place peuvent ainsi contribuer au financement du terrorisme et au trafic d’armes. Il faut donc considérer la contrebande comme une partie d’un ensemble plus vaste», a indiqué notre interlocuteur du jour. Selon, également, le cadre bancaire, Houssine Chalghaf : «Une lutte efficace contre le fléau de contrebande exige aujourd’hui une stratégie nationale, mais aussi une coopération internationale. Récemment, l’expert international en la matière, Nicoals Tenzer, a montré que pour répondre au problème de la porosité des frontières, les contrôles doivent se multiplier désormais dans les principaux points d’arrivage ou de transit des marchandises. Le Protocole sur les trafics illicites dans le domaine par exemple du tabac, porté par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), se veut à cet égard un instrument juridique unique au monde pour combattre et, à terme, éliminer une activité criminelle très perfectionnée. Concrètement, il exige des Etats des mesures de contrôle de la chaîne logistique, ainsi qu’une coopération internationale sur le plan de la traçabilité, qui doit être indépendante des fabricants de tabac. Le protocole impose par ailleurs de prévoir des sanctions lourdes pour les contrevenants. L’essentiel est désormais de renforcer ce système aux niveaux international et national et de l’étendre de plus en plus à des produits autres que le tabac, l’alcool et les denrées alimentaires, pour lesquels les réglementations nationales deviennent de plus en plus contraignantes. Une mise à niveau des pays en développement sur ce point est essentielle. Si cet aggiornamento a un coût (celui des agents et technologies nécessaires à la traçabilité des biens), il pourra rapidement être financé par les recettes fiscales supplémentaires ainsi engendrées. Avant un retour sur investissement potentiellement colossal pour les caisses des Etats».
M.B.S.M.