Par Imen Abderrahmani
Sobre et élégante, telle a été la soirée d’ouverture des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), accueillie samedi à la salle de l’Opéra de la Cité de la culture. Une cérémonie maîtrisée dans sa forme, mais quelque peu froide, manquant par moments d’animation et de cette part de magie que l’on attend d’un événement d’une telle envergure.
Les organisateurs ont choisi de placer cette ouverture sous le signe de Ziad Rahbani, à travers un hommage posthume rendu lors d’un intermède musical assuré par Mariem Laabidi, accompagnée au piano par Omar Elouaer. La chanteuse a interprété deux compositions emblématiques du musicien libanais : « Kedni maak ya hob », écrite pour le film Nahla du réalisateur algérien Farouk Beloufa, et « Bala wala chi » (Sans rien du tout), une pièce mêlant jazz, funk et boogie, extraite de l’album Houdou nisbi (Calme relatif, 1985). Une séquence du film Nahla (1979), tourné à Beyrouth en 1978 en pleine guerre civile libanaise, a également été projetée. Fidèle à sa réputation, Mariem Laabidi a su captiver l’assistance par la puissance et la justesse de sa voix.
La cérémonie a également été marquée par des hommages posthumes rendus à plusieurs figures disparues du cinéma tunisien, africain et arabe, parmi lesquelles Fadhel Jaziri, Souleymane Cissé, Mohamed Lakhdar-Hamina, Claudia Cardinale et Ziad Rahbani, ainsi qu’au critique libanais Walid Chmait et au réalisateur béninois-sénégalais Paulin Soumanou Vieyra.
À ces moments de recueillement se sont ajoutés une brève allocution du directeur des JCC, Tarek Ben Chaabane, la présentation du jury, celle du film d’ouverture « Palestine 36 » et de son équipe, ainsi que la remise d’un Tanit d’honneur au producteur tunisien Abdelaziz Ben Mlouka.
Mais cette sobriété suffit-elle à annoncer les couleurs de cette manifestation cinématographique majeure ? Pour les organisateurs, la réponse est sans équivoque. En choisissant de revenir aux sources et d’écarter certaines « festivités » introduites ces dernières années -comme le défilé sur le tapis rouge-, le comité d’organisation affirme une vision claire : les JCC ne sont ni un festival de glamour ni de paillettes. Ils demeurent avant tout un festival engagé, porteur de récits, de mémoires et de voix souvent marginalisées, fidèle à l’esprit qui a façonné son histoire.
Même si la soirée d’ouverture a pu paraître retenue, voire austère, elle annonce néanmoins la couleur d’une édition qui revendique le fond avant la forme. Aux JCC, le cinéma ne se consomme pas comme un spectacle mondain : il s’impose comme un acte de mémoire, de résistance et de prise de position. Les films programmés dans la compétition officielle comme dans les différentes sections en témoignent. Loin du faste et des artifices, les JCC dans leur 36ème édition replacent le cinéma au cœur du débat, réaffirmant l’identité de ce festival qui se veut, depuis sa création différent. Certes pas de tapis rouge mais des films qui laissent des traces.
Si vous cherchez de la magie, allez voir des films, c’est là que les rêves se fabriquent sans artifices.
Imen.A.

