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Dr Abdennadher : « On est diabétique ou on ne l’est pas » !

Interview conduite par Abir CHEMLI


S’il existe bien une maladie qui touche, au moins un seul membre de chaque famille tunisienne, ce serait inéluctablement le diabète ! Maladie insidieuse à ses débuts et capable de toucher jeunes et moins jeunes, le diabète figure en tête de liste des motifs de consultations. Lequotidien.com.tn a interrogé le Dr Melek Abdennadher, médecin généraliste de première ligne sur le sujet. Il a eu l'amabilité de jeter de la lumière sur toutes les zones d’ombre de cette maladie autour de laquelle tournent moult fausses idées et moult notions erronées.


-Le Quotidien : Outre les consultations pour les pathologies aigues ou saisonniers, peut-on dire que le diabète figure parmi les plus grands motifs de consultation en Tunisie ?


-Dr Melek Abdennadher : Effectivement si durant la saison froide, les motifs de consultations sont souvent les bronchites, les grippes, les angines, etc. et les otites, les gastroentérites durant la saison chaude, les plus grands motifs de consultations pour les maladies chroniques durant toute l’année, concernent essentiellement le diabète et l’hypertension artérielle.


-Peut-on parler d’une tranche d’âge précise qui souffre de diabète?
-Monsieur lambda a tendance à croire que le diabète ne touche que les séniors. C’est faux ! Il existe deux types de diabète et celui de type 1 touche les plus jeunes, c’est-à-dire de l’enfance jusqu’à généralement l’âge de 30 ans. Sauf que si le sujet souffre de diabète à l’âge de 30 ans, le diagnostic s’avère difficile. Il ne sera pas aisé de le classer diabétique de type 1 ou de type 2 si nous ne faisons pas d’autres explorations et des analyses poussées.


-Et comment faire justement la différence entre les deux types ?
-Il faut d’abord savoir qu’il est nécessaire de faire la différence entre les types dans la mesure où le traitement diffère complètement. Cela dit, un enfant ou un jeune vient souvent en consultation sans savoir qu’il est diabétique. Il consulte suite à des symptômes essentiellement une grande fatigue, de la polyurie (besoin fréquent d’uriner) et une polydipsie (soif et besoin fréquent de boire). Si on mesure son taux de glycémie, on le trouve très élevé dépassant souvent 4 à 5gr/L. Là nous sommes bel et bien face à un diabète de primo découverte et on peut annoncer au sujet (s’il est déjà en âge adulte) ou à ses parents (s’il est encore mineur) qu’il est diabétique. Le pronostic peut nous assurer à presque 100% qu’il s’agit d’un diabète de type I et on n’a pas besoin d’autres explorations ou d’autres analyses.


-Et qu’entend-t-on par diabète de type 1?
On parle de diabète de type 1 lorsque le pancréas ne produit plus d’insuline. Souvent le facteur génétique est incriminé dans le diabète de type 1 tant le sujet dispose d’un terrain génétiquement favorable au diabète. Et il existe aussi des facteurs déclencheurs comme un grand stress qu’il soit physique ou émotionnel, une infection ou une activité physique intense, etc. Le traitement ici est clair ! Puisque le pancréas ne produit pas d’insuline, on va lui donner de l’insuline qui est l’hormone responsable de réguler le taux de sucre dans le sang. J’explique : le taux du sucre dans le sang doit être compris dans une marge physiologique bien déterminée. Dès lors, lorsque le taux de sucre s’élève, c’est l’insuline secrétée par le pancréas qui intervient pour le faire dégager du sang et l’envoyer vers d’autres cellules. Ou bien ces cellules vont l’utiliser dans son « usine » tant ce travail nécessite de l’énergie (qu’elle puise dans le sucre nommé glucose) à côté de l’eau et l’oxygène, ou bien encore le sucre sera stocké dans les cellules des muscles ou dans celles du foie. Le surplus de sucre peut aussi se transformer en graisse (tissus graisseux). A contrario, lorsque le sucre dans le sang chute, nous n’avons plus besoin d’insuline, nous avons d’un autre hormone appelé glucagon.


Et qu’en est-il pour le diabète de type 2 ?
Pour le diabète de type 2, le pancréas produit de l’insuline, mais il y a une résistance par l’organisme laquelle entrave la fonction de l’insuline. Schématiquement, si la cellule chez un sujet sain a besoin d’une seule hormone d’insuline pour réguler un glucose, lorsque la cellule est résistante, l’organisme a besoin de 5 hormones d’insuline pour chaque glucose ! Ceci dit, lorsqu’on diagnostique un sujet atteint de diabète de type 2, ceci veut dire que ce diabète existe dans son corps depuis au moins 10 à 15 ans déjà ! Mais comme l’organisme se défend et envoie toujours plus d’insuline pour combattre le surplus de glucose, le sujet ne se rend pas compte de sa maladie. Durant ces dix ans, il a bien pu faire des analyses sans trouver un taux de sucre élevé dans le sang à moins qu’il ait fait des analyses poussées. Généralement cette période de diabète se déroule de façon insidieuse et il trouve un taux normal (entre 0.9 et 1.1 gr/l à jeun). Donc le mécanisme d’action physiopathe du diabétique de type 2 est la résistance à l’insuline. Du coup, le traitement ne peut donc aucunement être l’insuline mais des médicaments qui agissent sur la résistance de l’insuline. Il s’agit de médicaments à base de la molécule metformine qui est le pilier du traitement du diabète de type 2. Ce n’est que par la suite qu’on peut ajouter d’autres médicaments


Donc à partir de quel taux de glycémie dans le sang, on parle bien de diabète ?
Là il faudrait vraiment être très vigilants avec les chiffres. Je m’explique : on n’est pas diabétique lorsque le taux de glycémie à jeun (et là on parle d’au moins 8 heures d’abstention) est compris entre 0.9 et 1.1 gr/L à chaque analyse. En revanche, si le sujet trouve un taux compris entre 1.1 gr/L à jeun et 1.26 gr/L à jeun, on lui demande une deuxième analyse. Si les deux analyses à jeun, (généralement à trois jours d’intervalle et dans deux laboratoires différents), montrent toujours un taux compris entre 1.1 et 1.26, on demande au patient une autre exploration appelée HGPO 75 grammes (hyper-glycémie provoquée par voie orale). Si cette exploration est positive, on le classe diabétique et si elle est négative, il n’est pas encore diabétique, mais souffre d’intolérance au glucose. Cependant, même ceux diagnostiqués intolérants au glucose, tôt ou tard, ils finiront malheureusement diabétiques. Cependant si la première analyse à jeun montre un taux de glycémie supérieur à 1.26, on demande une seconde analyse si la deuxième à jeun est aussi supérieure à 1.26 gr/L, le sujet est diagnostiqué diabétique. Cela dit, pour un sujet qui a plus de de 2 gr/L, nous ne demandons pas de deuxième analyse, le sujet est immédiatement diagnostiqué diabétique.
Donc, pour récapituler si le taux est supérieur à 1.26 gr/L à jeun, et à deux reprises, c’est hélas confirmé, c’est bel et bien du diabète ! On ne peut pas être un peu diabétique ! On est diabétique ou on ne l’est pas ! Le fait de dire à un diabétique qu’il a « un peu de sucre », équivaut à son induction en erreur et à mettre sa vie en danger ! A plus de 1.26 gr/l confirmés deux fois, on est diabétique et on doit déjà l’accepter et commencer le traitement sinon on s’expose aux risques des maladies cardiovasculaires.
Donc, de grâce, il est très important de classer le patient dans la catégorie des diabétiques et ne pas lui mentir pour qu’il accepte et respecte sa prise en charge...
                                                                                                                                                                                             à suivre...

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